OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La presse prend cher http://owni.fr/2012/10/25/la-presse-prend-cher/ http://owni.fr/2012/10/25/la-presse-prend-cher/#comments Thu, 25 Oct 2012 11:36:47 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=123961

Mercredi matin à l’Assemblée, le député Michel Françaix présentait les conclusions de ses travaux sur les médias et la situation de la presse française, dans le cadre des auditions et votes du projet de loi de finances 2013. L’occasion pour Owni de dévoiler le contenu de son rapport (dont une copie est présente en intégralité au bas de cet article). Critique à l’égard des aides, caustique sur les journaux papiers, il est aussi tourné vers l’avenir, qui pour le député se joue sur le numérique.

Obsolète

Sur les trois sections de la mission, le rapport sur la presse est donc à la fois le plus dense et le plus véhément. Michel Françaix est catégorique :

La mutation vers le numérique s’accélère pour toutes les familles de presse, y compris pour la PQR, qui s’y trouve d’ailleurs concurrencée et dont les recettes sur Internet atteignent désormais 10% du chiffre d’affaires. [...] Dans le contexte de révolution industrielle que vit la presse, le rôle des pouvoirs publics ne doit pas être d’empêcher mais d’accompagner une mutation irréversible.

Pour le député de l’Oise, présent à la troisième journée du la presse en ligne : “l’ancien monde n’arrive pas à mourir quand le nouveau n’arrive pas à naître.” Comprendre à travers cette citation d’Antonio Gramsci (membre fondateur du Parti communiste italien, écrivain et théoricien politique), la presse papier et le régime de coopération sont obsolètes. Pour autant, la presse française est la plus soutenue.

Petite presse en ligne deviendra grande (ou pas)

Petite presse en ligne deviendra grande (ou pas)

Alors que démarre ce matin la 3e journée de la presse en ligne, organisée par le Spiil, Aurélie Filippetti était ...

Seulement, les aides ne permettent pas à un nouveau système viable pour la presse d’émerger et sur les 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires de la presse, 11% provient des aides à la presse. Et dans ce milliard, l’essentiel des ressources est à destination du modèle ancien, “indépendamment de toute réflexion sur leur finalité, leur pertinence et leur viabilité”. L’utilisation de l’argent des contribuables dans ce cadre laisse songeur. Le député cite l’exemple du versement des 50 centimes par exemplaire pour “retarder la mort de France Soir” et aux milliers d’euros dépensés pour permettre au groupe Hersant de garder la tête hors de l’eau.

En somme, les contribuables, par le biais des aides directes versées à la presse (hors TVA à 2,10 % pour la presse écrite, considérée comme aide indirecte), n’ont pas réussi à sauver France Soir et ont dépensé des sommes considérables pour … rien.

Ainsi, selon le parlementaire, les aides à la presse, vaste manne financière pour les journaux, en majorité papier, sont à remettre à plat et à redistribuer. Pour évaluer ce qu’elles représentent de nos jours, voici un aperçu de leur ventilation, le fonds stratégique de modernisation de la presse (FSMD) étant budgété à hauteur de quelques 33,5 millions d’euros pour 2013 :

On apprend également que certains titres bénéficient de l’aide au maintien du pluralisme dont L’humanité (3,08 millions d’euros en 2012), La Croix (2,94 millions) et Libération (2,87 millions) ; un pluralisme qui en 2012 se limiterait donc encore à l’offre du papier. Mais parmi ces aides, il en est une encore plus absurde et mal ciblée que les autres. L’aide au transport postal des journaux de presse écrite. Le député précise que “le coût de ce moratoire représente pour quatre titres de presse télévision deux fois plus que pour la totalité des titres de la presse quotidienne nationale”.

La Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) a répertorié dans un tableau en pages 28 et 29 du rapport ce que chacun touchait (passez le curseur sur les rectangles de couleur pour faire apparaître les montants précis) :

Subventions à la presse (2011)
en euros

Autre constat, les aides directes ne prennent pas en compte le super taux réduit de TVA pour la presse papier à 2,1%. Pour Michel Françaix, la répartition de la contribution publique par “famille de presse” hors aide postale et aide directes, soit les aides fiscales, bénéficient le plus à la presse magazine (35% des bénéficiaires) contre 24% pour la PQR et 15% pour la PQN. L’idée ? Cibler davantage et attribuer un taux de TVA réduit sur “la presse d’information citoyenne”. Autrement dit ni Gala ni Voici ni les magazines de golf, qualifié par le rapporteur de presse de loisirs ou ”presse récréative” et de fait pour lesquels le taux de TVA à 2,1% n’est pas justifié. Le député précise :

Le principe de solidarité qui sous-tend le système coopératif de distribution de la presse trouve déjà sa contrepartie dans l’application de tarifs postaux préférentiels qui bénéficient encore largement à la presse magazine.

Les taux de TVA différentiels appliqués en fonction de l’objet du journal, pourquoi pas. Même Bruxelles ne pourrait avoir à notifier la France d’un infraction au droit communautaire : la Belgique applique déjà un taux à 0% pour les quotidiens d’information générale et 6% sur les autres publications. Ce serait donc possible de taxer Voici à 7% quand Libération resterait à 2,1%.

Mutation

Mais le député ne se contente pas dans son rapport de parler de presse écrite et il souligne l’importance du passage au numérique pour une partie de la presse :

Il faut en avoir conscience, d’ici une dizaine d’année, peut-être moins, la presse quotidienne papier sera distancée par la presse en ligne. L’hypothèse actuellement retenue de diminution de la vente au numéro pour les quatre prochaines années est de 25%.

L’optimisme de Françaix pour le numérique fait chaud au coeur et il continue sur sa lancée d’une ode à la presse en ligne, en taclant au passage la presse papier : ”Trop occupé à tenter de préserver l’existant, le secteur oublie d’innover et de consentir les nécessaires investissements d’avenir”. Dommage pour les pros du secteur mais il est possible d’enfoncer le clou un peu plus loin en expliquant que les aides à l’investissement sont ”trop souvent des aides déguisées au fonctionnement”. 20 millions d’euros sur presque 1,2 milliards d’aides pour l’aide au développement de la presse en ligne. Un tout petit rien.

Parmi les obstacles restant, la TVA à 19,6 pour la presse en ligne est l’un des points qui vaut l’ire de Michel Françaix. Le même contenu sur un support différent devrait être taxé de la même manière, par souci de ”neutralité technologique”, explique le député.

Le fonds stratégique, grand lésé

Considéré par le rapporteur comme étant l’élément clé de la réforme des aides à la presse, le fonds stratégique n’est que que la fusion de “de trois fonds au sein d’un fonds, qui comporte trois sections correspondant aux fonds fusionnés”. Effectivement, pour une réforme de grande ampleur, soulignée en juin 2009 par le rapport Cardoso à la suite des États généraux de la presse, la fusion manque d’envergure.

Le fonds d’aide au développement de la presse en ligne fait partie des plus lésés du projet de loi de finances 2013 mais, si le bilan est mitigé, le ciblage des aides est ”très discutable”. Manque de transparence dans les critères d’attribution de l’aide selon le rapporteur sur le projet de loi de finances 2011 et ouverture du fonds SPEL en 2009 avec une enveloppe de 20 millions d’euros ”sans aucune réflexion préalable, ni sur son montant, ni sur son ciblage”. De quoi calmer les ardeurs des défenseurs des subventions sous perfusion, puisque le député assassine clairement le fonds et son fonctionnement :

Il en est résulté un guichet supplémentaire et un saupoudrage inéluctable des crédits. Surtout [...] les dépenses éligibles comprenaient des dépenses de fonctionnement, en particulier les salaires bruts des journalistes affectés au numérique. Ont ainsi été inclus dans le champ des dépenses éligibles des salaires de rédactions entières “réaffectées” du “papier” vers le “web”, ce qui a donné lieu à un important effet d’aubaine et gâchis d’argent public.

Avec son rapport, on dirait bien que Françaix compte mettre un coup de pied dans la fourmilière. Reste à voir si la portée des constats est à la hauteur des attentes du député. Et d’une partie de la presse.


Plf 2013


Photo du kiosque par Raph V. [CC-byncsa] remixée par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Petite presse en ligne deviendra grande (ou pas) http://owni.fr/2012/10/19/petite-presse-en-ligne-deviendra-grande-ou-pas/ http://owni.fr/2012/10/19/petite-presse-en-ligne-deviendra-grande-ou-pas/#comments Fri, 19 Oct 2012 06:00:37 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=122994

La journée de la presse en ligne du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) commence tout juste ce matin et compte bien mettre sur la table l’inutilité des aides et subventions à la presse, notamment à travers un manifeste pour un nouvel écosystème de la presse numérique. Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, était quant à elle auditionnée mercredi sur le projet de loi de finances 2013 (PLF 2013) à la Commission des affaires culturelles. Et si beaucoup des questions et des réponses ont tourné autour de l’avenir de France Télévisions ou du budget rogné de la Hadopi, seul Michel Françaix, le rapporteur de la mission Médias, Livre et industrie culturelle, option rapport sur les médias, glissait quelques mots sur “le problème de la presse en ligne”. Et expliquait que la presse (en général) rencontrait des difficultés depuis 30 à 35 ans, quand les aides, elles, augmentaient de plus en plus. “On a jamais donné autant d’argent par rapport au nombre de journaux vendus cette année”, expliquait le rapporteur.

Petite presse en ligne dans le PLF 2013

L’idée pour Michel Françaix : recentrer les aides vers ceux qui en ont besoin et redéfinir le taux de TVA selon les types de presse, qu’elle soit citoyenne ou qu’elle soit “autre”. Avant que le rapporteur ne livre ses conclusions la semaine prochaine, nous avons épluché le volet “aides à la presse” du projet de loi de finance 2013. Le principe des aides à la presse, en ligne ou papier, repose sur une volonté du gouvernement précisée dans le projet de loi de finances 2013 :

S’agissant du secteur de la presse, la stratégie de l’État poursuit deux objectifs fondamentaux : le développement de la diffusion de la presse et la préservation de son pluralisme et de sa diversité.

[App] Subventions à la presse: le Juste pris

[App] Subventions à la presse: le Juste pris

Retour ludique sur les subventions accordées par le Fonds d'aide à la modernisation de la presse à travers une application ...

Aider la presse à coups de versements d’aides et de crédits de quelques millions d’euros pourrait être l’intention la plus louable possible. Seulement comme Vincent Truffy (journaliste pour Mediapart) le montrait sur Owni en décembre 2010 dans l’application “Le juste pris”, deux ans après les états généraux de la presse écrite, des députés constatent que les éditeurs de journaux se sont, le plus souvent, contentés d’aller à la pêche aux subventions sans remettre en question leur fonctionnement.

Faire l’économie d’une remise en question du fonctionnement est sans doute plus simple pour les éditeurs de presse. La presse, qu’elle soit papier ou numérique, est notamment aidée par les injections de milliers d’euros du fonds stratégique de développement de la presse, le FSDP.

En 2013, ce sont donc 516 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement qui sont budgétés, les aides directes étant 22% plus élevées après les États généraux de la presse de 2011.

Dans le détail, l’AFP recevra 119,6 millions d’euros (en hausse de 2 millions par rapport à 2012). S’ajoutent 19,7 millions pour accompagner la modernisation sociale de la fabrication de la presse quotidienne et 4 millions pour la modernisation des diffuseurs. Et encore 18,9 millions pour l’aide à la distribution. Le plus gros poste : 320 millions d’euros pour le plan d’aide au développement du portage, l’aide à la SNCF pour le transport de quotidiens et 12 millions pour le pluralisme des quotidiens nationaux à faibles ressources. Dans ces 320 millions, il faut aussi compter sur les 249 millions pour l’aide au transport postal de la presse dont une compensation du manque à gagner pour La Poste de 32,4 millions.

Les 33,5 millions pour la modernisation et la presse en ligne paraissent bien petits dans les répartitions.

L’ancien fond SPEL, aujourd’hui section II du FSDP, va donc profiter de quelques milliers d’euros pour aider la presse en ligne. Ce qui pour Maurice Botbol, président du Spiil – qui organise aujourd’hui la 3e journée de la presse en ligne – et fondateur du groupe de presse Indigo (publiant entre autres La lettre A) n’est pas le problème de fond. La position du Spiil sur le sujet est claire, il faut supprimer les aides directes (subventions) qui sont, selon lui :

contre-productives, inefficaces et qui n’ont jamais été aussi élevées, comparées au nombre de lecteurs. Le système est à bout de souffle et il faut le réadapter. Inutile de continuer les aides sous perfusion.

Pure players dans la jungle

“Le fonds SPEL, en 2012, c’est un peu moins de 10 millions d’euros, les aides à la presse en ligne ne représentent presque rien, quand l’ensemble avoisine le milliard”, précise le fondateur d’Indigo. Et dans ce même fond, moins de 5% des aides est distribué aux pure players, c’est aussi parce “qu’ils n’ont pas l’habitude de remplir des dossiers d’aides contrairement à la presse traditionnelle”. Le montant maximum des subventions d’un pure player ? 200 000 euros. Contre 1 million à 1,5 million pour la presse papier.

Autre cause de cette moindre attribution, les délais de réponse. “Les délais sont longs par rapport au rythme du numérique. Et les demandes peuvent se dérouler sur 6 à 8 mois parfois”. Dernier frein mais non des moindres, le fonds SPEL refuse de subventionner le développement interne :

Ils exigent que le développement logiciel soit sous-traité. Or ne pas faire appel à un prestataire est rédhibitoire. Sauf que les pure players ne vont pas faire appel à des SSII alors qu’il est possible de le faire en interne !

Au FSDP, on confirme, “les dépenses internes n’ont jamais été prises en compte”.En plus de ce fossé entre le fonctionnement d’un pure player et l’administration chargée de distribuer les subventions, il reste ce petit détail de l’application de la TVA à 19,6 pour les pure player contre 2,1 pour le papier. Taxer différemment un contenu parce que le support de lecture n’est pas le même, une des meilleures façons d’appuyer ce que pérorent les réfractaires au journalisme web ou comment dire : si c’était vraiment la même chose, sous-entendu “aussi bien”, il n’y aurait aucune différence.

Rappelons qu’Aurélie Filippetti déclarait dans Polka en juillet dernier :

Si la presse abandonne la qualité, il n’y aura plus de différence entre les journaux, les magazines payants et la presse gratuite, notamment sur le Net où rien n’est éditorialisé.

Selon les administrations, ces aides indirectes – un taux très bas pour la presse papier – ne pourraient pas être applicables à la presse en ligne. Nicolas Sarkozy, lors des États Généraux de la presse en janvier 2009, déclarait que la France “allait poursuivre le travail de conviction engagé de ses partenaires européens pour que les taux réduits de TVA soient étendus à la presse en ligne”. Une directive européenne de novembre 2006 [pdf] précise que les taux de TVA ne peuvent être inférieur à 15% au sein de l’Union européenne, à quelques exceptions près notamment le taux de TVA à 2,1% de la presse papier. Ou le livre à 5,5 ou 7%.

En novembre 2011, la Commission européenne attirait la France vers le taux réduit pratiqué sur le livre numérique (le même que pour les livres papiers). Début juillet 2012, la Commission ouvrait une procédure contre la France et le Luxembourg pour infraction au droit communautaire. Taxer différemment un même contenu selon le support sur lequel il est lu semble pour certains éditeurs de presse (Arrêt sur images, Médiapart et Indigo) assez aberrant pour appliquer le taux réduit à 2,1% sur les ventes de leurs productions numériques. Avec pour argument les principes de neutralité fiscale et technologique. Maurice Botbol explique : “deux produits équivalents ne peuvent pas subir deux taux de TVA différents”. Raison pour laquelle il applique le taux de TVA réduit.

Mais visiblement, du côté des députés français, on s’active et un amendement au PLF 2013 [pdf] a été déposé le 4 octobre dernier. Il a notamment pour objet :

de faire bénéficier la presse en ligne du taux “super-réduit” de TVA actuellement appliqué à la presse imprimée. Actuellement, le taux de TVA appliqué à la presse imprimée est de 2,1 %, tandis que les services de presse en ligne se voient appliquer le taux “normal” de 19,6 %. Or, l’égalité de traitement fiscal est nécessaire pour accompagner la migration de la presse imprimée sur les supports numériques ainsi que l’émergence d’une presse exclusivement en ligne.

Un moyen de réduire la fracture entre la presse en ligne et presse papier.


Photo de Visualpun.ch [CC-bysa] et photo d’Aurélie Filippetti par Richard Ying [CC-by-nc-sa] remixées ~~~=:) ONoor

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SPEL it slowly: J.U.N.E! http://owni.fr/2011/06/28/edito-spel-it-slowly-june/ http://owni.fr/2011/06/28/edito-spel-it-slowly-june/#comments Tue, 28 Jun 2011 16:07:45 +0000 Nicolas Voisin http://owni.fr/?p=72089 Guillaume avait des cernes sous les yeux, les filles de la soucoupe mettaient des robes printanières. Mon CTO portait des shorts. C’était juin, caniculaire, et c’était épuisant ! Récit de cette séquence hors norme que nous venons de traverser.

Mon édito —à chaud— du 7 juin dernier a provoqué pas mal de réactions. J’y commentais sans prendre de gants la «décision» du fonds SPEL de recaler en grande partie le dossier d’OWNI. Oui, la décision (non définitive, certes) de la Commission du fonds SPEL est de ne pas (ou très peu) subventionner le développement de notre site. Faut-il finalement le regretter ou non ? La réponse est à la fois oui et non.

To be or not to be

Je fais partie des entrepreneurs de presse qui préféreraient ne pas être subventionnés. Non par crainte d’une perte d’indépendance mais parce qu’entrer dans un système de subventions directes contraint la gestion d’une entreprise, favorise l’attentisme plus que l’audace.

C’est particulièrement le cas d’une start-up, dont le développement nécessite une agilité souvent incompatible avec la forme des engagements requis par l’administration en matière de projets d’investissement et d’expansion.

It’s the economy, Stupid!

Les entreprises de presse déjà établies sont à l’heure actuelle dans un processus de mutation de leur(s) modèle(s) économique(s), tandis que des nouveaux entrants s’efforcent de stabiliser des recettes encore fragiles. Les uns comme les autres doivent engager des investissements lourds, dont la rentabilité, tout au moins pour les entreprises « papier », n’est souvent envisageable qu’à long terme. Il n’est pas anormal que l’Etat accompagne ce mouvement, s’agissant d’un secteur économique fondamental pour notre démocratie.

Les jeunes entreprises qui innovent comme 22Mars/OWNI doivent faire leurs preuves dans des délais bien plus courts. Le soutien des mécanismes publics peut s’avérer décisif dans ce contexte. Le Fonds SPEL est un de ces mécanismes, et je regrette que, dans ses règles actuelles, le SPEL soit mieux adapté à des entreprises de presse « papier » déjà bien établies qu’à des pure-players innovants.

Choix stratégiques

À titre d’exemple, 22Mars/OWNI aurait pu externaliser ses développements informatiques auprès d’entreprises européennes ou non européennes. Ils auraient alors été plus largement soutenus par le Fonds SPEL. Notre choix économique est d’internaliser ces coûts car notre choix stratégique est d’intégrer ces compétences cruciales pour l’avenir de notre entreprise comme de tous les médias, je le crois. Mais cela ne cadre pas, ou mal, avec les règles actuelles du fonds SPEL.

Nous sommes nombreux à souhaiter que les efforts de l’État prennent la forme d’un cadre favorable à l’innovation plus que d’aides saupoudrées au risque d’une distorsion de la concurrence. Nous l’avons signalé ici même, le rapport Cardoso a été un acte important et salutaire, fut-il insuffisant, pour ouvrir cette voie. Il a lui-même appelé à plus de transparence, à une meilleure évaluation des besoins et de l’efficacité des aides, à une meilleure coordination des mécanismes de soutien, à une meilleure prise en compte du numérique. Suite à ce rapport, un travail considérable a été effectué conjointement par les services du ministère de la Culture et par les syndicats représentatifs de notre secteur, dont notre syndicat, le Spiil.

Open debate

Dans quelques jours, les résultats de cette série de travaux seront publiés. Ce que nous en savons va dans le bon sens : transparence, orientation des aides vers l’innovation et l’accompagnement d’une présence rentable, mieux monétisée, des titres de presse sur les supports numériques. Je ne peux naturellement que me réjouir de ces évolutions. D’autres chantiers sont en cours, pour lesquels nos syndicats déploient beaucoup d’énergie : l’harmonisation des taux de TVA applicables à la presse, le déploiement d’une économie numérique accessible à tous, l’établissement de règles du jeu équitables entre les médias et les industriels – fournisseurs d’accès, moteurs de recherche etc.

Une des évolutions marquantes de notre secteur est qu’il nous faut soigner plus que jamais l’écosystème dans lequel nous évoluons, travailler ensemble à l’amélioration de notre environnement réglementaire et commercial. Vivre en écosystème, c’est savoir coopérer avec ses concurrents pour l’intérêt commun, et savoir en même temps rester concurrents de ceux avec qui nous collaborons, pour le salut de nos entreprises individuelles. Savoir, enfin, rester différents : la stratégie d’une entreprise consiste à développer un modèle commercial et éditorial différent de celui de ses concurrents – sinon, comme le rappelait très justement Aldo Cardoso, le phénomène d’indifférenciation met à mal l’ensemble de la profession.

Je crois néanmoins que les stratégies « disruptives » et les voix dissonantes sont inévitables et nécessaires malgré tout. Le chef d’entreprise doit savoir ainsi naviguer entre solidarité professionnelle et expression de sa différence- sur le plan commercial comme sur le plan politique.

OWNI CREW

Qu’on le veuille ou non, le regard porté par le fonds SPEL sur notre dossier a eu un impact déstabilisant, moins pour nous que pour ceux qui nous soutiennent dans notre développement : nos investisseurs et notre banquier. La pire pression que puisse subir une PME n’est jamais politique, elle est économique ; elle touche au portefeuille.

Mais comme le pire n’est jamais sûr, surtout lorsque les amis sont là, j’ai évoqué ce sujet le 20 juin dernier avec Jean-Baptiste Descroix-Vernier, qui investit régulièrement du temps de cerveau à écouter et parfois conseiller l’OWNI que nous construisons pas à pas.

C’est là que l’espace-temps se distend

Le hasard fait que Jean-Baptiste parle avec Bernard-Henri Levy quelques minutes plus tard. « Je connais OWNI », assure l’essayiste qui suggère de s’adresser à des parrains. Des pairs. De ceux qui veulent que résonne la voix d’OWNI. Cette voix que l’on défend, c’est celle qui porte nos valeurs et notre projet. Une voix qui s’exprime du combat contre Hadopi au data journalism en passant par la Tunisie, de l’open-data à l’hacktivisme en passant par la défense intransigeante des libertés sur Internet. Une voix qui a créé son identité, forte de la confiance de centaines, de milliers de contributeurs, experts, passionnés. Une voix qui souhaite continuer à innover. Pour préparer les échéances à venir, et pour éviter que ceux qui parlent d’Internet soient ceux qui le pratiquent le moins.

Ainsi, le 20 juin dernier, en moins d’une heure et une poignée de mails appelant à participer à cette souscription privée, plus de 200 000 € ont été réunis.

[NB : cette souscription étant comme son nom l'indique privée la liste de ceux qui ont acceptés d'en être sera publiée, pour celles et ceux qui le souhaitent, lors du bouclage de notre levée de fonds cet été, mais ne peut l'être avant.]

Naissance dans la Silicon Valley

En ce mois de juin où tant s’est joué : du serrage de coude à la structuration durable de l’équipe, nous avons consolidé la soucoupe par grand vent.

Pendant ce temps naissait à Palo Alto (Californie) OWNI, Inc et son projet cœur : « The augmented news platform – The first native media platform specifically conceived for the iPad ».

Rarement les soutiens viennent de là où vous les attendez. Mais cela est un autre sujet. Une économie, un projet éditorial, un modèle se construisent et se défendent tous les jours. Mais ça, vous le saviez tous avant de traverser ce mois de juin.

Bel été à tous !


Photo FlickR CC : AttributionNoncommercialShare Alike par BrunoDelzant et AttributionShare Alike par Todd Klassy

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http://owni.fr/2011/06/28/edito-spel-it-slowly-june/feed/ 12
Cher fonds SPEL… http://owni.fr/2011/06/07/cher-fonds-spel/ http://owni.fr/2011/06/07/cher-fonds-spel/#comments Tue, 07 Jun 2011 18:26:51 +0000 Nicolas Voisin http://owni.fr/?p=66755
C’est avec un plaisir, que je me permettrais de dissimuler ici, que nous venons d’apprendre – non sans joie, mais je ne saurais insister d’avantage – que tu as décidé, d’attribuer à OWNI (qui rappelons-le a créé près de 40 emplois en moins de trois ans et gagné le prix d’excellence générale du journalisme à Washington) la modique somme de… zéro euro de subvention d’aide à la presse en ligne pour les trois prochaines années.

Comment te dire ?

Cher fonds SPEL, nous avons mis les pieds dans le plat avec nos enquêtes et tu as su nous en tenir gré. Tes subventions sont opaques, tes intentions davantage encore et ton fonctionnement vraisemblablement coupable d’accompagner l’absence dramatique de remise en cause d’une profession, nécessaire au bon déroulement de la vie publique. C’est anecdotique me diras-tu. Anecdotique ? Oui, mépriser l’esprit d’indépendance, de ton prisme à toi, est sans doute chose anecdotique. En un sens, le test est concluant…

Attends-toi, cher fonds SPEL, à ce que nous fassions donc, malgré toi, notre travail avec une assiduité et une énergie que ton mépris à notre égard ne fait que renforcer. Oui, un média qui donne à penser sans pub ni mur du paiement, pire, en Creative Commons et en open-source, c’est atypique, hors cadre, peu normal. Pire ? Une entreprise fondée avec 10 000 € et capable de s’adresser à près de 2 millions d’êtres humains chaque mois, fidèles et enthousiastes, un éditeur de presse présent sur trois continents (Paris, Tunis, Palo Alto) qui emploie autant de développeurs et de designers que de journalistes et qui fédère plus de 2 000 auteurs en entretenant avec eux une relation étroite, c’est une chance pour son écosystème.

Cette chance, tu as décidé, cher fonds SPEL, de t’asseoir dessus . Tu l’admettras, l’expression est joliment appropriée. Et je ne t’en veux pas. Non. Les 39 autres, les 1 999 autres, les 1 999 999 autres sans doute, mais cela tu t’en tapes. C’est ça, le message que tu viens de leur passer. T’as vu, cher fonds SPEL, j’ai fait suivre ton message à nos followers.


Retrouvez tous les éditos d’OWNI

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