OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Obama : “J’ai réfléchi, on y va” http://owni.fr/2012/09/05/obama-ben-laden-peter-bergen/ http://owni.fr/2012/09/05/obama-ben-laden-peter-bergen/#comments Wed, 05 Sep 2012 07:55:21 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=119447 Le Monde publie des extraits ce mercredi. Owni a plongé dans la fameuse Situation Room, illustrée des pensées des protagonistes.]]> Les visages fermés et les yeux rivés sur un écran hors champ, la Situation Room attend. L’équipe très restreinte réunie autour du président Barack Obama suit en direct le raid fatal à Oussama Ben Laden, mené par les Navy SEALs (commandos marines) de la Team 6.

A quoi pensent les protagonistes de la célèbre photo diffusée par la Maison Blanche ? Comment Barack Obama a-t-il pris sa décision ? Peter Bergen, journaliste spécialiste de la sécurité nationale pour CNN, le raconte dans “Chasse à l’homme. Du 11 septembre à Abbottabad, l’incroyable traque de Ben Laden” (Robert Laffont) dont Le Monde daté du 5 septembre publie des extraits.

[Survolez la photographie ci-dessus pour faire apparaître les pictos rouges pour les opposants au raid, verts pour ceux qui soutenaient l'idée. Cliquez dessus pour en savoir plus]

“N’y allez pas”

Aucun consensus ne se dégage dans l’entourage du président démocrate jusqu’aux derniers jours. Peter Bergen raconte en détails une réunion, le 28 avril, alors que de nouvelles informations renforcent le doute quant à la présence de Ben Laden dans le complexe d’Abbottabad. Trois positions se dégagent alors : ceux qui sont pour, ceux qui sont contre et ceux qui privilégient une frappe de drone.

Parmi les opposants au raid figure Joe Biden, le vice-président, pour qui l’incertitude est trop grande pour prendre le risque de perdre l’allié pakistanais. Il tranche, rapporte le journaliste :

Mon conseil, le voici : n’y allez pas.

Un autre personnage central s’oppose au raid : Robert Gates, le secrétaire à la Défense. Lui plaide pour “une option de type frappe chirurgicale” menée par un drone. Il est rejoint par le général Cartwright, le chef d’Etat-major adjoint des armées, et par le directeur national du contre-terrorisme, Mike Leiter.

“Ce raid, lancez-le”

Une écrasante majorité des conseillers soutiennent un raid des Navy SEALs. Notamment Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat, qui à l’issue d’un exposé technique et dépassionné lance :

Le résultat est très imprévisible, mais je dirais : Allez-y. Ce raid, lancez-le.

Ou encore un autre poids lourd de la lutte contre le terrorisme, le directeur de la CIA, Leon Panetta, qui estime que le fait de détenir “le meilleur faisceau de preuves depuis Tora Bora [les] met dans l’obligation d’agir”. Il est, entre autres, rejoint par John Brennan, assistant du président pour la sécurité intérieure et le contre-terrorisme, et le directeur du Renseignement national, Jim Clapper. Lucide, mais déterminé :

C’est le choix qui présente le plus de risques, mais à mon avis, le plus important, c’est que nous disposons d’yeux, d’oreilles et de cerveaux sur le terrain.

Le jour même, Barack Obama refuse de trancher. Il convoque à nouveau ses conseillers le lendemain, le 29 avril à 8h20, pour annoncer sa décision :

J’ai réfléchi : on y va. Et la seule chose qui nous en empêcherait, ce serait que Bill McRaven [le général à la tête du Joint Special Operation Command, NDLR] et ses gars considèrent que la météo ou les conditions au sol accroissent les risques pour nos forces.


Photographie Flickr White House / Pete Souza

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Mort de Ben Laden: nous avons déjà vu le film http://owni.fr/2011/05/11/mort-de-ben-laden-nous-avons-deja-vu-le-film/ http://owni.fr/2011/05/11/mort-de-ben-laden-nous-avons-deja-vu-le-film/#comments Wed, 11 May 2011 06:30:46 +0000 Jean-Noël Lafargue http://owni.fr/?p=62021

Wernher von Braun.

Des militaires d’élite américains ont exécuté Oussama Ben Laden dans sa propriété d’Abbottabad, au Pakistan, sans s’être donné la peine d’avertir les autorités de ce pays. Une telle action n’a pas de réciproque possible. On n’imagine pas, par exemple, les services secrets britanniques venir sur le sol américain venger leurs morts en assassinant Wernher von Braun, inventeur des missiles V2 dont plusieurs milliers ont été lancés sur Londres pendant la Seconde Guerre mondiale et dont la fabrication a causé la mort de milliers de déportés employés à leur fabrication. Non, Wernher von Braun est mort dans son lit aux États-Unis, où il a eu le temps de participer au succès de deux grands mythes modernes de son pays d’adoption, la Nasa, qu’il a contribuée à créer, et la société Disney, avec qui il a réalisé des films éducatifs et prospectifs.

Ce destin n’a rien de comparable avec celui d’Oussama Ben Laden bien entendu : von Braun n’était qu’un ingénieur ayant mis ses recherches au service du Reich, de gré ou de force, tandis que Ben Laden est un chef de guerre et un chef religieux a priori totalement responsable de ses actes. Si je fais ce parallèle malgré tout, c’est parce que le mélange de recherche scientifique, de responsabilité militaire, de propagande politique et d’entertainment qui font la carrière de Wernher von Braun et qui constitue un mélange a priori farfelu est en fait une illustration typique du lien qui existe aux États-Unis entre science, armée, politique, propagande et industrie culturelle.

Captain America démolit le portrait d'Adolf Hitler en 1941 puis s'occupe de l'empereur Hiro Hito dès l'année suivante. Superman ou Tarzan en ont fait de même, comme tous les héros costumés, jusqu'à l'ombrageux dieu Namor qui a accepté de quitter son humeur misanthrope pour démolir des sous-marins nazis. Même l'entreprenante petite orpheline Annie, fille adoptive d'un marchand d'armes, a mis sur pied les "Junior Commandos", une troupe d'enfants affectés à alerter les adultes si des soldats allemands ou japonais avaient été repérés dans leur voisinage. Le cinéma ou le dessin animé ont été touchés par le même mouvement patriotique qui, bien que spontané et œuvrant à la libération de l'Europe et de l'Asie, relève pourtant bel et bien de la propagande.

En effet, s’il semble naturel pour les Américains d’avoir exécuté un Saoudien sur le sol pakistanais, si cela nous semble logique à tous, ce n’est pas par respect pour la première puissance financière et militaire du monde ni par assentiment envers une justice expéditive des plus suspectes, c’est que nous avons déjà vu le film.
Nous l’avons vu sous différentes formes plus ou moins fantaisistes, par exemple dans The West Wing, où le président Bartlet commande à distance des opérations militaires de récupération d’otages, dans une mise en scène proche de celle de la désormais célèbre photographie du président Obama et de son équipe :

Presque un épisode de la série "The West Wing".

Nous l’avons aussi vu dans 24 heures Chrono ou dans Alias, séries dont même le climat de suspicion (qui manipule qui exactement, qui ment, quelle est la vérité ?) semble avoir inspiré la communication erratique de l’équipe gouvernementale américaine, plusieurs fois reconstruite : pourquoi n’y a-t-il pas de photo ? Pas de corps ? Comment Ben Laden a-t-il été surpris, était-il armé, a-t-il résisté, comment est-il mort ?…
On se rappellera de la première version qui avait été donnée lors d’une conférence de presse : se servant d’une femme comme bouclier humain, Ben Laden aurait été abattu d’une balle en pleine tête.
Dans l’émission Place de la Toile du 8/05, le philosophe des sciences Mathieu Triclot faisait remarquer que ce scénario était similaire à un épisode du jeu Call of Duty: Black Ops, édité il y a six mois par la société Activision et où le joueur, qui incarne un agent de la CIA, se retrouve à tuer Fidel Castro d’une balle en pleine tête alors qu’el commandante (qui s’avérera être un sosie) tente lâchement de s’abriter derrière une femme.

Call of Duty: Black Ops (fin 2010).

Dans les fictions qu’ils produisent, par exemple Mission: Impossible, les Américains sont habitués à trouver tout naturel d’entrer et de sortir de pays étrangers comme s’ils étaient chez eux ou de pratiquer leur justice sans s’embarrasser de droit international.
Le cinéma venait tout juste de naître quand le studio Vitagraph a produit son premier film de propagande, en reconstituant et en mettant en scène un épisode guerrier censé justifier la guerre hispano-américaine (1898) ; en 1933, le justicier Doc Savage explique à des Sud-Américains que son pays n’hésitera pas à les envahir s’ils ont la mauvaise idée d’attenter à ses intérêts en nationalisant leurs mines d’or ; les exemples de justification d’ingérence sont innombrables.

Après une période de remise en cause importante (Civil Wars, série publiée en 2006-2007 pendant laquelle Captain America s'élevait contre la restriction des libertés des super-héros par le gouvernement américain - allusion à peine voilée au Patriot Act), le héros à la bannière étoilée choisit son camp et empêche de nuire un activiste qui s'est attribué son costume (qui est en quelque sorte son double et affirme partager ses valeurs) pour diffuser des informations secrètes qui, bien que vraies, peuvent mettre des vies en danger. On lira ici une réponse à Julian Assange, Bradley Manning et Wikileaks : "vous avez peut-être raison, vous êtes peut-être de bonne foi, mais on ne va pas vous laisser faire pour autant." (Secret Avengers #12.1).

En revanche — et ce n’est pas un hasard —, les fictions américaines sont chargées de méfiance envers tout ce qui vient d’ailleurs. On peut trouver ça paradoxal concernant un pays qui s’est précisément construit et qui continue de se construire par l’accueil régulier d’étrangers, mais c’est plutôt rusé : en ne donnant à l’étranger que le choix entre un patriotisme exalté d’une part et, d’autre part, le soupçon d’être un saboteur, un poseur de bombes ou un assassin potentiel du président, il n’y a pas vraiment de marge de manœuvre.
Pas besoin de rappeler ici le nombre de fictions qui s’intéressent aux extra-terrestres, qualifiés d‘aliens (mot qui, on finira par l’oublier, signifie juste « étranger »), de visiteurs ou d’envahisseurs. Ce qui vient d’ailleurs est suspect et l’hyper-vigilance américaine a abouti à ce que ce pays ne soit, malgré des dizaines de guerres en un siècle, jamais véritablement attaqué sur son sol par d’autres pays

Mars Attack (1996) est, malgré ses clins d'œil parodiques au cinéma des années 1950, le film le plus politique de Tim Burton. Il s'ouvre par une séquence où un redneck raciste demande à son voisin philippin si c'est le nouvel an dans son pays car il sent une odeur épouvantable de viande brûlée. Après une guerre sans merci contre des extraterrestres particulièrement fourbes, l'Amérique sauvera le monde grâce à la chanson "indian love call" de Slim Whitman et pourra se reconstruire en partant de Las Vegas, la cité du divertissement. Jack Nicholson incarne ici un des rares présidents américains du cinéma qui soit à la fois bête et couard.

Outre les pays étrangers qui sont vus comme un terrain de jeu et l’étranger dont on se méfie, les fictions populaires américaines diffusent assez insidieusement plusieurs autres clichés, comme la figure du président des États-Unis — parfois trompé par ses conseillers mais foncièrement honnête et courageux, parfois même homme d’action, par exemple dans Air Force One ou Independance Day —, le goût pour la victoire et le refus systématique de la défaite militaire (qui ne saurait être que provisoire), comme le montre de manière éloquente le livre Diplopie, de Clément Chéroux, où l’on voit que la presse américaine a spontanément remplacé les images catastrophiques du World Trade Center attaqué par des clichés de pompiers érigeant le drapeau américain sur les ruines de Ground Zero dans une parodie d’une célèbre photographie de victoire lors de la bataille d’Iwo Jima.

La photo "Raising the Flag on Iwo Jima" (image de gauche), par Joe Rosenthal a été reprise et pastichée très souvent dans des fictions, sur des couvertures de comic-books ou même dans le "monde réel".

En conclusion, je dirais une fois de plus que la frontière qui sépare la fiction de la réalité me semble bien fine, l’une servant souvent à justifier l’autre, et réciproquement.

Billet initialement publié sur Le dernier blog sous le titre “Opérations extérieures”.

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La chute d’Oussama ben Laden http://owni.fr/2011/05/03/la-chute-doussama-ben-laden/ http://owni.fr/2011/05/03/la-chute-doussama-ben-laden/#comments Tue, 03 May 2011 14:43:52 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=60745 Navigation rapide

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(toutes les heures sont celles du fuseau horaire de Washington D.C.)

Le dessous des renseignements

2007 : les services de renseignements états-uniens découvrent pour la première fois le nom du messager de Oussama Ben Laden sans parvenir à le localiser, notamment grâce à des informations obtenues de détenus à Guantanamo, publiées le 24 avril 2011 par Wikileaks.

2009 : Robert Gates, Secrétaire à la Défense, déclare que cela fait maintenant des années que toute trace de Oussama Ben Laden est perdue.

2009 : les services de renseignements identifient des zones au Pakistan où le messager et son frère ont opéré sans pouvoir définir précisément où ils vivent.

Localisation de la cache d'Oussama ben Laden

août 2010 : les services de renseignements localisent le lieu de résidence du frère, une enceinte au nord d’Islamabad, dans la ville d’Abbottabad. L’enceinte est suffisamment large et sécurisée pour pouvoir héberger une cible de plus grande valeur qu’un simple messager. C’est une résidence à un million de dollars, entourée de murs de 4 mètres 50. La NSA et la NGA, selon une note de Leon Panetta, directeur de la CIA,  dans un effort coordonné, parviennent à collecter des données et notamment le fait que la maison n’était reliée ni à l’Internet, ni au téléphone, ce qui est une preuve de plus de l’importance de la cible.

septembre 2010 : la CIA commence à travailler avec le Président Obama sur la base d’évaluations qui les amènent à penser qu’Oussama Ben Laden pourrait être dans cette enceinte. Aucune preuve visuelle ne viendra jamais confirmer cette déduction jusqu’à l’assaut.

21 janvier 2011 : Oussama Ben Laden demande à la France de faire partir ses troupes d’Afghanistan pour espérer une libération des otages dans une cassette audio diffusée par Al-Jazeera. Ce sera son dernier message publié.

mi-février 2011 : le gouvernement des États-Unis détermine que, sur la base de renseignements sains, la piste de l’enceinte protégée de Abbottabad doit être suivie agressivement et mener à des actions. La résidence se situe au Pakistan, dans l’espace aérien protégé, interdisant son survol par des drones de surveillance, qui auraient pu éveiller l’attention des habitants et qui ne pouvaient pas transporter suffisamment de munitions pour détruire la résidence.

Détails de l'enceinte hébergeant Oussama ben Laden

14 mars : le Président Obama démarre une suite de rencontres avec son National Security Council pour développer différents moyens de capturer Oussama Ben Laden. Parmi ceux-ci, le bombardement de l’enceinte avec des munitions de 900 kg est envisagé. Cette idée fut abandonnée lorsqu’ils se rendirent compte des dégâts collatéraux possibles ainsi que du fait que sous les décombres de la résidence, aucune preuve ne pourrait être fournie ni de la présence et ni du décès d’Oussama Ben Laden.

29 mars : deuxième rencontre du National Security Council

Situation de la base annexe en Virginie

7 avril : répétition par les SEAL des opérations prévues, dans une enceinte reconstituée intégralement au nord de Kaboul, en Afghanistan. Les SEAL, Sea, Air and Land, sont les forces spéciales de la Navy basées dans l’annexe de Dam Neck en Virginie. Grâce à l’action du Général McChrystal, ces unités opérationnelles sont coordonnées avec des agents de renseignements. Ils ont développé des technologies et des modes d’opérations, notamment grâce à un accès en temps réel aux bases de données biométriques fédérales permettant d’identifier les gens quasiment immédiatement.

12 avril : troisième rencontre du National Security Council

13 avril : deuxième répétition par les SEAL des opérations près de Kaboul.

19 avril : quatrième rencontre du National Security Council

28 avril : cinquième rencontre du National Security Council. Le Président demande la nuit pour faire son choix. Plus d’une centaine de personnes est au courant, pressant le Président à se décider.

29 avril : avant de s’envoler vers l’Alabama, le Président Obama autorise l’opération d’assaut grâce aux hélicoptères, l’option la plus risquée, mais celle assurant le plus de preuves. Elle est planifiée pour le samedi, puis repoussée au dimanche pour des raisons météorologiques.

30 avril, 22:15 : le Président Obama prononce un discours humoristique lors du Dîner des Correspondants Étrangers.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Lancement de la mission Geronimo

Barack Obama en situation room

1er mai, 14:00 : le Président Obama rencontre une dernière fois l’équipe de sécurité nationale pour revoir les détails de l’opération. Le but de la mission est la capture ou le meurtre d’Oussama Ben Laden.

1er mai, entre 14:00 et 15:15 : par une nuit sans lune, quatre hélicoptères MH-60 améliorés décollent probablement de la base aérienne secrète de Ghazi. La partie la plus sensible de la mission commence, étant donné que le Pakistan n’est pas prévenu et qu’il faut donc éviter leurs radars. À leur bord, une quarantaine de SEAL, les membres des forces spéciales de la Navy. Il semble que l’opération soit le fruit d’un travail entre la CIA et le Joint Special Operation Command. La présence de la CIA a été souhaitée par Barack Obama et Leon Panetta. L’équipe en question est DevGru.

Hélicoptère MH60 en démonstration

1er mai, 15:15 : l’assaut est donné. Des tirs sont échangés avec les habitants de la résidence. Oussama Ben Laden dort alors au 3e étage de la résidence. Durant l’assaut, qui a duré 38 minutes, 22 personnes seront tuées ou faites prisonnières. Aucune victime du côté militaire.

L'administration suit le déroulement des opérations en situation room

1er mai, 15:58 : Sohaib Athar annonce sur Twitter qu’un hélicoptère survole Abbottabad, ce qui est très rare selon lui. C’est un consultant en informatique qu’y s’est installé dans la région pour vivre tranquillement.

1er mai, 15:50 : on signale au Président Obama qu’Oussama Ben Laden, nom de code Geronimo, a été identifié, notamment grâce à l’aide d’une de ses femmes qui prononce son nom. “We’ve IDed Geronimo“. Le contact visuel avec Oussama Ben Laden ne dure que quelques secondes. Il est tué de deux balles dans la tête et le torse un peu plus tard durant les échanges de tirs.

Geronimo E KIA

1er mai, 16:09 : Toujours sur Twitter, Sohaib Athar rapporte une explosion assez importante à Abbottabad. Sûrement la destruction par l’armée états-unienne d’un hélicoptère ayant subi une panne électrique. Elle ne souhaitait pas que le véhicule reste en leur possession.

1er mai, vers 16:15 : Des chasseurs pakistanais, alertés par l’explosion, tentent d’intercepter les hélicoptères. Le Pakistan n’a été tenu au courant de la mission qu’à la fin de celle-ci, l’administration ayant préféré éviter les fuites en partageant trop de détails sur la mission.

1er mai, autour de 17:45 : les hélicoptères atterrissent en Afghanistan. À son bord, le corps d’Oussama Ben Laden. Il sera identifié grâce à l’ADN récupéré sur le cerveau de sa soeur, conservé depuis le décès de celle-ci à Boston, ainsi que grâce à une comparaison de son visage avec des photos grâce à des logiciels biométriques. Les hélicoptères transportent également des ordinateurs, des clés USB et des disques durs trouvés sur place destinés à être analysés.

1er mai, 19:01 : on signale au Président Obama qu’il est hautement probable qu’Oussama Ben Laden soit mort. Tout au long de l’opération, l’administration a pu suivre le déroulement depuis la Briefing’s Room.

1er mai, 22:24 : Keith Urbanh, chef de cabinet de l’ancien Secrétaire d’État Donald Rumsfeld, annonce sur Twitter :

J’ai été prévenu par une personne respectable qu’ils ont tué Oussama Ben Laden.

1er mai, dans la soirée : Barack Obama appelle Bill Clinton et George W. Bush pour leur annoncer le décès d’Oussama Ben Laden.

1er mai, 23:35 : dans une annonce télévisée, le Président Obama annonce la mort d’Oussama Ben Laden.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

2 mai, 0:40 : Sohaib Athar réalise qu’il a raconté en direct sur Twitter l’assaut sur la résidence d’Oussama Ben Laden.

Barack Obama félicite son équipe après son annonce à la télévision

2 mai, vers 1:00 : le corps d’Oussama Ben Laden, transporté jusqu’au porte-avions USS Carl Vinson, est préparé, d’après l’administration états-unienne, selon le culte musulman puis jeté à la mer. Les arguments en faveur de cet ensevelissement marin sont la difficulté de trouver un pays prêt à accueillir la dépouille ainsi que le souhait volontaire de ne pas créer un lieu de pèlerinage. Des photos du corps d’Oussama Ben Laden existeraient mais l’administration hésite encore à les rendre publiques, de même qu’une vidéo de l’ensevelissement.

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Les débuts

30 juillet 1957 : naissance d’Oussama Ben Laden à Jeddah, en Arabie Saoudite dans une famille très nombreuse.

1979 : Oussama Ben Laden laisse tomber ses études pour rejoindre la révolution moudjahidine contre l’Armée Rouge.

11 août 1988 : Oussama Ben Laden fonde Al-Qaeda, la base en arabe.

26 février 1993 : attentat contre le World Trade Center à New-York.

août 1996 : Al-Qaeda et Oussama Ben Laden délivrent la première d’une suite de fatwas de plus en plus violentes à l’égard des États-Unis.

16 mars 1998 : un mandat d’arrêt international est émis par Interpol contre Oussama Ben Laden à la suite d’une demande de la Libye. Il sera mis à jour par l’Espagne, puis par les États-Unis.

7 août 1998 : attentats contre les ambassades des États-Unis à Dar es Salaam en Tanzanie et Nairobi au Kenya.

11 octobre 1998 : un diplomate états-unien signale à un assistant du Mollah Omar, chef des Taliban, que plus ils hébergent Oussama Ben Laden sur leur sol, plus ils seront tenus pour complices de ses crimes.

juin 1999 : Oussama Ben Laden est inscrit sur la liste des “10 Most wanted“, les dix personnes les plus recherchées pour ses liens avec les attentats contre les ambassades des États-Unis. Une récompense de 5 millions de dollars est offerte contre des informations menant à son arrestation. La récompense sera augmentée après les attentas du 11 septembre.

27 mai 2000 : le sous-secrétaire aux Affaires Étrangères Thomas Pickering remet au Ministre des Affaires Étrangères taliban un ensemble de preuves montrant les liens entre Oussama Ben Laden et l’attentat de 1998 contre l’ambassade. Les taliban rejettent ces preuves.

2 juillet 2001 : le Ministre des Affaires Étrangères taliban déclare à l’ambassadeur des États-Unis au Pakistan qu’ils considèrent toujours Oussama Ben Laden comme innocent.

Les tours du World Trade Center en feu

11 septembre 2001 : quatre avions de ligne sont détournés par des terroristes, membres du réseau Al-Qaeda. Deux d’entre eux frappent le World Trade  Center à New York, un autre le Pentagone à Washington D.C.

14 septembre 2001 : la DGSE rédige une note identifiant Oussama Ben Laden comme le principal suspect dans les attentats perpétrés le 11 septembre.

16 septembre 2001 : George W. Bush annonce le début de la War on Terror (Guerre contre le Terrorisme) et vise l’Afghanistan qui hébergerait Oussama Ben Laden. Il confirme 4 jours plus tard, dans une déclaration à la nation, qu’il soupçonne Al-Qaeda et son leader, Oussama Ben Laden d’être responsables des attentats du 11 septembre.

War on terror

7 octobre 2001 : l’Operation Enduring Freedom marque le début de la guerre en Afghanistan. Cette mission devait se nommer au départ Inifinite Justice, mais le nom a été modifié pour ne pas heurter les musulmans. Nom qui fait écho à la déclaration de Barack Obama, le 1er mai 2011, annonçant que “Justice a été faite”.

5 décembre 2001 : la Conférence de Bonn nomme un gouvernement de transition en Afghanistan.

20 décembre 2001 : la Force Internationale d’Assistance et de Sécurité est établie par le Conseil de Sécurité des Nations Unies (Résolution 1386). Menée par l’OTAN, la FIAS a pour but d’aider le gouvernement de transition d’Afghanistan à assurer la sécurité de Kaboul et des alentours.

Une grande partie des fichiers relatifs à la guerre en Afghanistan de 2004 à 2009 avaient été révélés par Wikileaks en juillet 2010. Entre 2001 et 2011, Oussama Ben Laden apparaît dans de nombreux messages vidéos à l’adresse de l’Occident, distribuant bons et mauvais points.

octobre 2004 : Al-Jazeera diffuse une vidéo dans laquelle Oussama Ben Laden déclare pour la première fois être commanditaire des attentats du 11 septembre 2001.

septembre 2006Une nouvelle vidéo montre Oussama Ben Laden en compagnie de deux terroristes morts dans l’attentat-suicide contre le World Trade Center.

- Rapport du FBI sur Oussama ben Laden [en] publié par OWNI (ainsi qu’une note de la DGSE)

- Les Services de Renseigments derrière l’arrestation d’Obama – New York Times [en]

- L’équipe secrète qui a tué ben Laden – National Journal [en]

- Quelques moments chauds avec l’équipe des Navy SEAL, Oussama ben Laden s’est caché derrière une femme pour l’utiliser comme pare-feu – ABC [en]

- photos Flickr White House, cc Hank Plank, superstarksa et Ben Laden vieilli.

réalisé grâce à l’aide précieuse de Martin Untersinger.

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Ben Laden dans les archives des services secrets http://owni.fr/2011/05/02/ben-laden-archives-services-secrets/ http://owni.fr/2011/05/02/ben-laden-archives-services-secrets/#comments Mon, 02 May 2011 16:46:38 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=60595 Selon la Maison Blanche, à 53 ans et après treize années de traque, Oussama Ben Laden a été tué dans une opération des services spéciaux américains, menée en territoire pakistanais. L’intervention héliportée s’est déroulée à 150 km au nord de la capitale Islamabad, dans la ville d’Abbottabad, où est installée une académie de l’armée pakistanaise. Oussama Ben Laden emporte dans la mort les secrets d’une cavale entamée après le premier mandat d’arrêt international émis par Interpol, le 16 mars 1998.

Activement recherché depuis les attentats du 11 septembre 2001, sa longévité s’explique par l’importance des réseaux qui lui étaient fidèles. Les archives des services secrets, auxquelles OWNI a eu accès, permettent de mesurer la portée de ces soutiens, et de mieux comprendre comment le chef d’Al Qaida a été perçu au fil du temps par les états-majors européens ou américains.

Des années de renseignements, pour quoi ?

Le 14 septembre 2001, trois jours après les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone, les services secrets français de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) rédigeaient une notice biographique mettant en évidence la dimension internationale de son réseau. Voici le verbatim complet de cette note:

Elle synthétisait brièvement plusieurs années de surveillance menées pour l’essentiel par les services américains, égyptiens, jordaniens, israéliens, britanniques et français. Plus d’un an avant le 11 septembre, ceux-ci semblaient déjà disposer d’une large connaissance des relais et des soutiens d’Oussama Ben Laden. Une note de la DGSE du 24 juillet 2000 affirmait ainsi:

Les bases afghanes d’Oussama Bin Laden, si elles bénéficient de l’argent investi localement, sont également financées par les investissements réalisés par l’ex-Saoudien lors de son séjour au Soudan de 1994 à 1996. En effet, les entreprises qu’il a fondées dans ce pays lui ont permis d’acquérir son indépendance financière. Bénéficiant de l’appui de dirigeants soudanais, Oussama Bin Laden a fondé une holding industrielle au Soudan, probablement organisée autour de la société XXXXXXXXXX (…) Bin Laden est actionnaire majoritaire de ces sociétés, détenues également en partie par des investisseurs soudanais (…)

Les pays du Golfe jouent également un rôle important dans le réseau financier d’Oussama Bin Laden qui y regroupe et prélève les fonds finançant son organisation terroriste. Ces sommes sont ensuite transférées de cette zone vers le Pakistan, de banques à banques, parfois sur des comptes appartenant à des particuliers, ou d’entreprises à entreprises (…) Dubai, qui dispose de liaisons aériennes directes avec l’Afghanistan par la compagnie Ariana Airways, joue dans ce dispositif un rôle particulier. Zone importante de trafics, cet émirat est souvent cité comme point de passage ou centre logistique pour des lieutenants d’Oussama Bin Laden. Aussi son matériel de communication provient-il de ce pays. Mamdouh Mahmoud Salim, l’un des responsables financiers de Bin Laden, y aurait installé sa famille, avant son arrestation le 16 septembre 1998. Il aurait investi dans l’émirat voisin de Sharjah [NDLR: un des Emirats arabes unis].

Négociations avec les Talibans

À partir de l’année 2000, les implications politiques de ces divers soutiens ont conduit l’administration américaine de Georges W. Bush à privilégier des voies diplomatiques pour tenter d’obtenir l’arrestation d’Oussama Ben Laden. Évitant ainsi de fâcher leurs alliés du Golfe – l’Arabie Saoudite appartenait alors à la courte liste des pays qui reconnaissaient l’État des Talibans.

Des documents du département d’État américain – déclassifiés ceux-là – montrent comment les envoyés de l’administration républicaine ont préféré discuter avec les Talibans jusqu’au mois de juillet 2001, dans le but de se faire livrer Oussama Ben Laden. Alors même qu’un embargo des Nations-Unies frappait le régime:

Une synthèse du FBI accablante

Le FBI, limité dans ses investigations contre Oussama Ben Laden dans le courant de l’année 2000, devait reprendre ses travaux contre le chef d’Al Qaida juste après le 11 septembre 2001. Dans le cadre d’une opération de renseignement intitulée PENTTBOM. Le service de renseignement intérieur américain reconstituait les relations entre les réseaux d’Oussama Ben Laden et les 19 pirates de l’air à l’origine des attaques du 11 septembre 2001. De nombreux documents relatifs à cette enquête du FBI ont été rendus publics, mais souvent partiellement amputés. Ci-dessous une version exhaustive d’une synthèse datée du 5 novembre 2001:

Comme les documents des services français, cette note du FBI montre la portée des soutiens et des alliances internationales dont a profité Oussama Ben Laden pour développer son organisation – depuis la création formelle d’Al Qaida, lors d’une réunion du 11 août 1988. Des associations dans les monarchies du Golfe et en Afrique y sont également évoquées.

Jusqu’au dernier moment, il a semblé profiter de relais importants, expliquant ainsi la longévité de ses activités. Difficile en effet de penser que des membres des services secrets pakistanais de l’ISI n’étaient pas impliqués dans l’organisation de son refuge à 150 km d’Islamabad. Récemment, plusieurs notes dévoilées grâce à Wikileaks permettaient de confirmer la duplicité de l’ISI à l’égard des Occidentaux combattants Al Qaida. Tandis qu’une autre note provenant des dossiers de Guantanamo, révélée ces dernières semaines, toujours par Wikileaks, livrait le nom d’un courrier personnel de Ben Laden, Maulawi Abdal Khaliq Jan, cité dans un rapport de l’armée américaine au sujet d’un lieutenant d’Al Qaida, Abu al Libi, emprisonné à Guantanamo. Selon ce document, ce courrier avait conseillé à Abu al Libi de se déplacer vers la ville d’Abbottabad. Depuis hier, plusieurs officiels américains ont indiqué que la localisation de Ben Laden dans cette ville pakistanaise avait été rendue possible grâce à un renseignement obtenu à Guatanamo, au sujet d’un courrier d’Al Qaida.


Illustration CC flickr IceNineJon


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Photoshop l’a tuer par André Gunthert

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Photoshop l’a tuer http://owni.fr/2011/05/02/ben-laden-photoshop/ http://owni.fr/2011/05/02/ben-laden-photoshop/#comments Mon, 02 May 2011 15:21:11 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=60584

Lundi matin, lendemain de 1er mai, la France qui s’était couchée encore émue du souvenir du mariage princier se réveille en sursaut à la nouvelle de la mort de Ben Laden (voir ci-dessus).

Surchauffe dans les rédactions. Quel angle choisir pour présenter la disparition de l’ennemi public n°1, qui met fin à dix ans de traque ininterrompue? Vers 8 heures du matin, de nombreux sites de presse, suivant les suggestions visuelles de l’AFP, parent au plus pressé et montrent des soldats apprenant la nouvelle par la télévision (voir ci-dessus). Traitement minimaliste d’une news qui ne s’est pas encore vraiment concrétisée.

Mais les choses s’accélèrent avec l’apparition d’une image supposée du cadavre, diffusée par la télévision pakistanaise Geo TV, reprise en France peu après 8h par I-Télé et BFM-TV. A 8h46, Le Figaro est le premier quotidien national à reproduire sur son site une capture d’écran prise à la volée où l’image apparaît très anamorphosée :

Des chaines de télévision pakistanaises montraient lundi le visage partiellement défiguré d’un homme qu’elles présentent comme Oussama Ben Laden, tué dans une opération américaine au Pakistan, sans pouvoir cependant authentifier l’image. La photo montre un homme arborant une barbe hirsute, le visage en sang et partiellement enfoncé au niveau des orbites (voir ci-dessus).

Malgré toutes ces précautions oratoires, l’appel d’article apparaît bien en Une avec son illustration, composant avec le portrait de Barack Obama un bon résumé visuel de l’événement du jour (voir ci-dessous).

Ce choix est risqué. Comme le suggère le diaporama du Monde (voir ci-dessus), le visage du chef d’Al Quaida, dont on n’a aucun portrait récent, devrait être plus âgé, sa barbe grise, comme en témoignait une vidéo de 2004. Plutôt que de montrer l’image, même assortie des prudences du conditionnel, LeMonde.fr ou Libération.fr ont choisi de s’abstenir, en attendant de plus amples vérifications.

Mais la tentation est trop forte. Alors qu’I-télé et BFM-TV reprennent en boucle la photo du visage tuméfié (voir ci-dessus), l’AFP publie à 8h46 en tête de son choix d’images une photo d’Irakiens pointant du doigt la reprise de la photo sur un écran de télé à Bagdad. Le Parisien n’hésite plus, et affiche sur son site à 9h04 « les images du cadavre de Ben Laden », suivi à 9h24 par le Nouvel Observateur, qui l’insère en encart sur un portrait d’Obama, pour une composition proche de celle du Figaro.fr (voir ci-dessous).

Entretemps, sur Twitter, l’information se répand que cette photo serait un trucage. Rosaura Ochoa a mis en ligne sur Twitpic dès 9h un montage qui montre que le visage tuméfié est une image retouchée réalisée à partir d’un portrait de Ben Laden de 1998 par Reuters (une image qui a d’ailleurs été utilisée pour illustrer la Une du Nouvel Obs quelques minutes auparavant…). Selon Buzzfeed, il s’agit d’un fake déjà ancien. Cette image existe effectivement en de nombreux exemplaires sur internet, par exemple en illustration, datée d’avril 2009, d’un article conspirationniste affirmant que le terroriste est déjà mort (voir ci-dessous).


Je relaie à mon tour sur Twitter l’information du trucage. Le Nouvel Observateur est le premier à changer son illustration de Une, à 9h45. Averti par ses lecteurs en commentaire, LeFigaro.fr modifie l’article à 9h56, puis retire l’illustration en appel de Une. Par la grâce des mises à jour, le dérapage est effacé sans laisser de traces. Mais à 10h32, alors que l’AFP a mis à jour sa sélection d’images, I-Télé continue de diffuser la photo du prétendu cadavre (voir ci-dessus).

A la différence de la capture de Saddam Hussein, les pouvoirs publics américains n’ont pas publié les images de l’assaut ni de la mort de Ben Laden, dont le corps a été, a-t-on appris au cours de la matinée, enseveli en haute mer. Les apercevra-t-on plus tard? L’état de la dépouille risque de contredire la formule “justice est faite” utilisée par le président Obama pour qualifier l’opération. Pour l’heure, les États-Unis ne souhaitent visiblement pas favoriser le culte d’un martyr.

Mais le portrait de l’ennemi vaincu, figure habituelle de la victoire, manque. Ben Laden n’était pas n’importe quel ennemi, mais un homme traqué dont l’image s’était progressivement amenuisée, encourageant tous les fantasmes. La confirmation de sa défaite était si ardemment désirée qu’on aura pu la projeter dans un médiocre trucage, illisible à force de passer de support en support. Comme par un dernier pied de nez, c’est Photoshop qui aura fourni à l’Occident cette preuve ultime de sa victoire.


Article initialement publié sur l’Atelier des icônes, un blog de Culture Visuelle

Photo d’illustration à partir de la photo FlickR CC AttributionShare Alike Andrew Ciscel


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Mort de Ben Laden : l’étrange communication de l’Élysée http://owni.fr/2011/05/02/mort-ben-laden-etrange-communication-elysee/ http://owni.fr/2011/05/02/mort-ben-laden-etrange-communication-elysee/#comments Mon, 02 May 2011 14:07:09 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=60544

Pour les victimes du 11 septembre 2001, justice est faite.

Un dialogue tiré du dernier western des frères Cohen ? Une réplique d’un film de Charles Bronson ? Non : un message laissé sur le compte Twitter officiel de l’Élysée ce lundi 2 mai un peu avant 9 heures, à propos de la mort de Ben Laden.

Que s’est-il donc passé ? Le community manager de l’Élysée se serait-il lâché ? Au service communication de la présidence, se dirait-on que sur Twitter on peut oublier la réserve habituelle de la communication officielle dans laquelle, généralement, on ne prêche pas la loi du talion ?

Même pas puisque si l’on regarde de plus près le site de l’Élysée, on se rend compte que cette phrase se retrouve dans le communiqué officiel mis en ligne :

Une étonnante conception de la justice

Serais-je donc le seul choqué lorsque je lis que la présidence de la République estime que la mort de Ben Laden permet d’affirmer que « Justice est faite » ? La conception de la justice dans un pays qui s’apprête à célébrer le 30ème anniversaire de l’abolition de la peine de mort (le 9 octobre prochain) aurait-elle évolué à ce point ?

A moins, me souffle-t-on ici ou là, qu’il ne s’agisse que d’une maladresse commise en voulant traduire les propos d’Obama ? C’est effectivement ce qui semble s’être passé, Obama ayant effectivement bien prononcé ces paroles – qui m’ont de prime abord échappé – dans son discours d’hier soir. (Au temps pour moi, et merci à ceux qui m’ont corrigé)

Malgré tout, le fond de mon billet ne change pas, et je reste très surpris de retrouver ces mots dans la réaction officielle de l’Élysée. Surtout lorsque je lis, ailleurs dans le discours d’Obama ces autres mots :

Et finalement, la semaine dernière, j’ai déterminé que nous avions suffisamment de renseignements pour agir, et ai autorisé une opération destinée à capturer Oussama Ben Laden et à le présenter devant la justice

Finalement, c’est donc le président américain, pays ayant été la victime du 11 septembre et dont plusieurs États appliquent toujours la peine de mort, qui appelait à traduire Ben Laden en justice. Pendant ce temps, en France, l’Élysée se contentait donc pour sa part d’estimer que « Justice est faite ». Non en traduisant les mots du président américain, non pas en les commentant, mais en donnant en ces quelques simples et terribles mots, son avis.

C’est tout, et c’est déjà beaucoup.


Article initialement publié sur le blog de Erwann gaucher Cross Media Consulting

Photo flickr CC Jostwinz


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