OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Vidéosurveillance dans les lycées: “les résultats sont décevants” http://owni.fr/2010/04/07/videosurveillance-dans-les-lycees-les-resultats-sont-decevants/ http://owni.fr/2010/04/07/videosurveillance-dans-les-lycees-les-resultats-sont-decevants/#comments Wed, 07 Apr 2010 09:20:19 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=11685

Image CC Flickr by sa treehouse1977

Pourquoi utilise-t-on la vidéosurveillance dans les lycées ? Comment s’en sert-on ? Est-elle utile ? Pour répondre à ces interrogations, et alors que les évaluations sur le sujet étaient rares en France, la Région a demandé une étude sur la vidéosurveillance dans les lycées d’Île-de-France, réalisée par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) IDF et publiée en 2007.

Cette analyse comparative portait sur dix lycées, pourvus ou non de caméras. Elle dresse un premier bilan sur une technique mise en place depuis 1998 par la Région, en réponse à l’augmentation des faits de violence et d’incivilité dans les établissements, aux côtés d’autres mesures de sécurisation, dispositifs de contrôle d’accès, alarmes anti-intrusion, etc. À l’époque, plus de la moitié des établissements étaient déjà équipés, mais seulement 10% étaient pourvus d’un véritable système quadrillant aussi bien l’intérieur que l’extérieur.

Tanguy Le Goff, qui a dirigé cette étude, revient sur ces résultats qui restent d’actualité, tendance du gouvernement au tout-sécuritaire oblige.


La conclusion qui ressort de votre étude, c’est que la vidéosurveillance coûte cher, 700.000 euros par an, pour un résultat limité.

Par rapport à l’objectif officiel, qui était de lutter contre les intrusions, oui, les résultats sont décevants. On constate en effet qu’en dépit de la mise en place de cet outil, les intrusions continuent. En tant que moyen de dissuasion, de prévention de la délinquance, ce n’est pas efficace.

En revanche, sur d’autres points, les résultats sont plus positifs, même si c’est un élément difficile à déterminer, via des données chiffrées, notamment policières, nous l’avons mesuré surtout au travers de témoignages de gens que l’on a pu rencontrer. De manière assez classique, il y a une efficacité reconnue sur les parkings, cela aurait tendance à faire diminuer les vols de deux-roues et les dégradations de véhicule.

Le manque de réflexion lors de l’installation des dispositifs explique aussi le peu d’efficacité…

Effectivement, il faut poser la question en terme d’usage : comment l’ensemble de la communauté éducative va s’approprier cet outil et que va-t-elle en faire ? Or bien souvent, on constate que la vidéosurveillance a été posée dans l’urgence, dans la mesure où il s’agissait parfois de répondre à une inquiétude, une émotion extrêmement forte de la part des professeurs, des conseillers principaux d’éducation (CPE), parce qu’il y a eu par exemple un enseignant agressé à l’intérieur de l’établissement.

Pour rassurer, on va mettre en place cet objet sans se demander qui va l’utiliser, comment se fera le lien avec le personnel de surveillance, l’agent d’accueil, le personnel de direction. La difficulté, c’est que le personnel ne se l’est pas approprié. Souvent, l’outil est posé au sein d’un établissement, sans que l’on ait réfléchi à la façon dont il va appuyer la politique de sécurité de l’établissement. On en fait donc un usage limité, d’autant plus qu’on en donne souvent la responsabilité à un agent d’accueil, qui n’est pas un agent de l’ordre, il a d’autres missions à accomplir que de regarder les caméras, il le fait donc de manière très épisodique.

Pourtant, la vidéosurveillance est de plus en plus considérée comme une solution aux divers problèmes d’insécurité rencontrés dans les établissements.

C’est vrai, il y a une demande assez récurrente des chefs d’établissements, pour différentes raisons. Déjà, ils pensent que cela va vraiment être utile pour dissuader. Par ailleurs, il y aussi l’idée que les caméras servent à pallier des déficits en matière d’aménagement technique. Ils croient par exemple qu’un lieu mal conçu, que des personnels peuvent difficilement surveiller, sera ainsi sécurisé, alors que c’est un leurre total.

Ceci dit, ils ne sont pas complètement dupes, ils se rendent bien compte, en matière de prévention des vols, que l’efficacité est limitée.

La vidéosurveillance fait partie d’une politique générale de sécurisation des établissements centrée sur la protection contre la menace extérieure, dont vous soulignez les effets pervers.

Oui, d’une part, la logique de clôture de l’établissement a tendance à engendrer un désintéressement du personnel de surveillance pour ce qui passe au-delà des grilles, alors que l’on voit bien que très fréquemment, la plupart des difficultés se jouent vraiment dans l’espace entre le lieu de transport et le lycée, bien souvent son parvis.

Les CPE nous expliquaient que cela ne relève pas forcément de leur compétence, légalement, mais que du coup, du fait de cette logique de fermeture, il y avait un désinvestissement progressif de ce qui pouvait se jouer dans les alentours immédiats de l’établissement. Ce repli est un effet négatif qui n’avait sans doutes pas été imaginé initialement.

Cette logique peut aussi générer une opposition systématique entre le quartier où il se trouve et le lycée, alors qu’auparavant, un certain nombre de lycées étaient considérés comme des espaces qui pouvaient être traversés par la population, c’est-à-dire que l’on allait d’un lieu à un autre en passant par lui. Aujourd’hui, de plus en plus, et on peut le regretter, il devient un lieu à part, a-territorial.

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Image CC Flickr It's Greg

Quelles sont vos recommandations pour que la vidéosurveillance soit utilisée à meilleur escient ?

Nous avons rassemblé dans un cahier des charges nos préconisations. Déjà, avant même d’aller sur la mise en place de caméras, se demander s’il n’y a pas d’autres solutions envisageables : ce peut être des mesures d’aménagement de l’espace, de déplacement du lieu d’accueil, permettant d’avoir une surveillance plus naturelle. Parfois, on s’aperçoit que la loge ou le lieu de vie des enseignants est complètement décalé de l’entrée, ce qui fait que cette dernière n’est pas surveillée. Ces aménagements pourraient à eux seuls contribuer à assurer la sécurité. Cela passe aussi par un nouveau mode d’organisation du travail effectué par les CPE.

Une fois que le recours à la vidéosurveillance a été préconisée, certes il y a des enjeux techniques, mais ils représentent une part minimes, mais au-delà, il faut surtout s’interroger sur l’organisation de l’ordre scolaire et déterminer qui fait quoi, qui va avoir la charge du dispositif. Par exemple, dans le cas d’un agent d’accueil, comment il agit lorsqu’il repère un fait sur une caméra : avec qui doit-il interpeller, que fait-on de ces données, faut-il les transmettre à la police, de quelle manière, comment informe-t-on la police, les parents ? On a en effet constater que ces derniers et les lycéens n’étaient pas toujours informés de la présence des caméras, comment informe-t-on ? On ne pose pas un objet à la va-vite, il faut se poser la question de son intégration au sein d’une politique  de sécurité et de la manière dont on va être en mesure ou non de l’approprier, pour faire en sorte au moins que les usages de cet outil soient au maximum valorisés.

Vous avez réalisé cette étude voilà trois ans : comment la situation a évolué depuis ?

En France, je n’ai pas de données, la vidéosurveillance dans les lycées ne dépend en effet pas de la loi Pasqua de 1995 mais la loi Informatiques et Libertés de 1978, car ils sont considérés comme des espaces privées. C’est donc la Cnil qui est compétente et une simple déclaration est nécessaire. En revanche,  si un certain nombre de caméras visionnent des espaces publics, il faut une demande à l’autorité préfectorale.

Ce qui est sûr, c’est quil y a une politique gouvernementale qui pousse au développement de cet outil. Le financement provient directement de l’État via des budgets donnés à l’Éducation nationale et donc aux lycées, ou des régions.

En IDF, je ne possède pas non plus de données depuis. En tout cas, comme nous avions mis en place un cahier des charges, qui est aujourd’hui respecté,  les démarches sont sans doutes un peu plus longues pour la mise en œuvre de la vidéo, et donc plus pensée, il y a sans doute eu plus de vigilance.

Y a-t-il des pays  qui encadrent mieux le recours à la vidéosurveillance ?

Au Canada, et c’est un peu ce que nous avons développé ici avec les lycées, pour pouvoir installer de la vidéosurveillance, et notamment dans les espaces publics, il faut prouver qu’il n’y a pas d’autre solution plus efficace.

Télécharger ici l’étude intégrale

Voir aussi l’intégralité de notre dossier sur le sujet, où il est entre autre question de la mise en place de portiques de sécurité, du fait que la vidéosurveillance est tellement développée, en Grande-Bretagne, qu’on y trouve des caméras, non seulement dans les salles de classe, mais également dans les toilettes de 10% des écoles :

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Grande-Bretagne : 10% des lycées vidéosurveillent leurs toilettes http://owni.fr/2010/04/02/grande-bretagne-10-des-lycees-videosurveillent-leurs-toilettes/ http://owni.fr/2010/04/02/grande-bretagne-10-des-lycees-videosurveillent-leurs-toilettes/#comments Fri, 02 Apr 2010 08:08:35 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=11411 CCTV in this toiletsVladimir Poutine avait déclaré qu’il fallait “buter (les terroristes) jusque dans les chiottes“.

Au Royaume-Uni, un sondage effectué par un syndicat enseignant révèle que 85% des établissement scolaires seraient équipés de caméras de vidéosurveillance, aux abords des établissements, mais également dans les couloirs, dans de plus en plus de salles de classe, et, dans 10% des cas, jusque dans les toilettes…

Une étude révèle que, globalement, les élèves britanniques y sont tout aussi fréquemment vidéosurveillés que ne le sont les prisonniers.

A l’approche des États généraux de la sécurité à l’école, qui se dérouleront à la Sorbonne les 7 et 8 avril prochains, et alors que le gouvernement veut “développer beaucoup plus la vidéosurveillance dans les lycées et aux abords“, il n’est pas anodin de remarquer que, si 60% des lycées d’Ile de France sont équipés de systèmes de vidéosurveillance, dans le Val-de-Marne, les trois dernières agressions d’élèves ont eu lieu dans des lycées… équipés de caméras.

Après m’être penché sur les portiques de sécurité (La taca taca tac tac tiqu’ du portique…), avoir chroniqué les dommages collatéraux engendrés par le déploiement de policiers et d’agents de sécurité dans les écoles américaines (De l’école à la prison, un cycle infernal), il était intéressant de faire le point sur le déploiement de la vidéosurveillance dans les écoles britanniques, pionnières en la matière.

La vidéosurveillance des toilettes fait scandale

En janvier 2009, Jade White, 14 ans, décidait de ne plus retourner à l’école tant que celle-ci ne retirerait pas les caméras de vidéosurveillance installées, juste avant Noël, dans les toilettes des filles et des garçons.

Ses parents la soutenaient, arguant d’une “invasion dans sa vie privée” :

Cette école est pathétique. Ils n’ont pas besoin de mettre des caméras de vidéosurveillance dans les toilettes, et encore moins dans celles d’une école. Toute cette école ressemble à Big Brother. Il y a des caméras partout autour de l’école, à l’extérieur et dans les couloirs.

En réponse, les responsables de l’établissement expliquèrent que les caméras, orientées vers les lavabos, avaient été installées suite à des actes de vandalisme perpétrés par une minorité n’hésitant pas à chahuter dans les toilettes et à gaspiller du savon liquide et du papier toilettes, et que les images ne seraient consultées qu’en cas d’incident :

“Les cameras ont été installées pour le bien des élèves, et sont gérées en prenant avec la plus grande considération la sécurité des enfants.

Les parents attendent de nous que nous gérions les facteurs de risques avérés, et rien ne pourra nous en empêcher.”

Ce n’est pas la première fois que la présence de caméras de vidéosurveillance dans les toilettes des écoles, fait scandale au Royaume-Uni, et les annales de l’Internet répertorient de nombreux autres cas, en 2007, 2006, 2005

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Ainsi, en février 2008, une établissement de Plymouth avait accepté de désactiver les caméras des toilettes des élèves après que plusieurs centaines d’entre-eux aient signé une pétition, et refusé de retourner aux WC.

En novembre 2009, la direction d’un lycée irlandais avait de même abdiqué, après deux jours de protestation des élèves et de leurs parents.

Début mars 2010, les élèves d’un lycée de Birmingham ont eux aussi découvert que des caméras avaient été installées dans les toilettes des filles et des garçons, “pour des raisons d’hygiène et de sécurité“.

Des caméras dans les salles de classe

Historiquement, le premier établissement à avoir décidé d’installer des caméras de vidéosurveillance au sein même des salles de classe fut la King’s Academy de Middlesbrough, en 2003.

L’objectif affiché était de surveiller les comportements déviants des adolescents, de protéger l’équipement informatique, et d’aider les enseignants à démontrer leur innocence en cas de fausse accusation.

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Dans cette école, les adolescents apprennent également que les musulmans ont tort, que l’homosexualité est un péché et que le monde a été créé en sept jours. Mais c’est aussi l’un de ceux qui obtiennent les meilleurs résultats du pays…

Depuis, le nombre d’établissements scolaires équipés de systèmes de vidéosurveillance a explosé, et l’on estime que 3500 (un sur sept) utiliseraient également des détecteurs de métaux, cartes d’identité électroniques, ou systèmes biométriques (empreintes digitales, reconnaissances faciales ou de l’iris) afin de “faciliter” certaines opérations administratives telles que le prêt de livres à la bibliothèque ou bien l’accès à la cantine.

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85% des écoles seraient vidéosurveillées

Si certains se targuent de bénéficier du soutien des enfant, de leurs parents, et des enseignants, d’autres ne réagissent pas aussi positivement.

En novembre 2009, la police avait ainsi confisqué des bandes de vidéosurveillance d’une école primaire qui avait filmé des enfants en train de se changer avant un cours d’éducation physique. Faute de vestiaire, ils se changaient dans leurs salles de classe, où sont installées des caméras qui ne sont jamais débranchées.

L’Information Commissioner, l’équivalent britannique de la CNIL, avait alors tenu à rappeler que la vidéosurveillance ne devrait être utilisée qu’en cas d’impérieuse nécessité, qu’elle devait respecter la loi, et qu’elles devaient bien évidemment être débranchées si d’aventure des enfants étaient amené à se déshabiller devant les caméras.

En août 2008, l’association des professeurs et maîtres de conférences (ATL), troisième syndicat enseignant britannique, rapportait que 85% des enseignants interrogés déclaraient que leurs établissements scolaires étaient équipés de systèmes de vidéosurveillance.

Plus de la moitié surveillaient, non seulement les abords de leurs établissements, mais également le comportement des élèves à l’intérieur des écoles, et près d’un quart des enseignants craignaient la présence de caméras cachées, d’autant que 10% précisaient qu’on en trouvait également dans les toilettes de leurs établissements.

Caméras de vidéosurveillance dans un lycée d'Ile de France

De fait, quelques mois après, l’ATL découvrait qu’une caméra espion avait été cachée dans l’horloge de la salle des professeurs d’un établissement de Liverpool. La direction expliqua qu’elle avait été installée suite à un vol, et accepta de la retirer.

Personne ne sait exactement à quoi sert la vidéosurveillance dans les écoles“, estime la secrétaire générale de l’ATL, et plus de la moitié des enseignants interrogés notent que cela n’avait guère modifié le comportement des élèves.

Si 61% estiment cela dit que cela pourrait avoir des conséquences positives, le sentiment général est qu’installer des caméras de vidéosurveillance dans les salles de classe releve d’une atteinte à la vie privée, et va à l’encontre de ce qu’est l’éducation : la vidéosurveillance “ne devrait pas être autorisée en classe, où l’on aurait dès lors constamment le sentiment d’être surveillé et jugé“.

Des caméras… et des micros, qui violent la loi

Chercheuse à l’université de Salford, au Royaume-Uni, Emmeline Taylor s’est intéressée à la surveillance dont font l’objet les élèves de 24 établissements scolaires du nord ouest du Royaume-Uni.

23 des établissement étudiés disposent de plus de 20 caméras de vidéosurveillance. Et 2 des 3 établissements ayant fait l’objet d’une étude approfondie en ont installé dans leurs toilettes.

Un autre en a également installé dans les salles de classe, et les couloirs, le système étant doté de micros. L’équipe éducative est quant à elle équipée d’oreillettes, afin de surveiller, à leur insu, ce dont se parlent les élèves.

Mais, déplore Emmeline Taylor dans le Daily Mail, “rien ou presque n’a été fait pour informer le public, à commencer par les parents, sur la façon qu’ont les écoles d’utiliser ces technologies de surveillance, y compris biométriques“.

Le Guardian souligne ainsi que “la plupart des écoles britanniques violent probablement la loi dans la mesure où elles ne préviennent par leurs élèves que des caméras de vidéosurveillance enregistrent leurs déplacements et conversations“.

“Les jeunes sont certainement la population non criminelle la plus surveillée”

Tout comme en France, il est interdit, au Royaume-Uni, d’installer des caméras sans le préciser à ceux qui sont ainsi surveillés (le fameux “Souriez, vous êtes filmés !“). Mais il est tout à fait légal de vidéosurveiller ou de ficher les empreintes digitales des enfants sans demander le consentement de leurs parents.

Ainsi, les établissements scolaires étudiés se contentent d’avertir la CNIL britannique qui, de son côté, se contente d’exiger que la surveillance se doit d’être “proportionnée au regard des finalités“.

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Une formulation suffisamment vague, estime la chercheuse Emmeline Taylor, permettant aux établissements scolaires de devenir de véritables “bancs d’essais” des nouvelles technologies de surveillance.

Pour Taylor, les jeunes sont ainsi privés de leurs libertés les plus fondamentales, afin de les “habituer à accepter un niveau élevé de contrôle de leurs activités les plus banales, tel qu’emprunter un livre à la bibliothèque scolaire. Les jeunes sont certainement la population non criminelle la plus surveillée” :

Ces technologies ne protègent aucunement les jeunes; a contrario, elles les dépouillent de leur vie privée, minent leur confiance envers les autres en créant une atmosphère de suspicion, ce qui n’est pas tout à fait propice à ce que l’on escompte d’un environnement éducatif.

“Il y en a partout, c’est comme une prison”

Dans le Daily Telegraph, un jeune explique qu’”avec la vidéosurveillance, on a l’impression qu’on ne peut pas nous faire confiance. Dans mon école, il y en a partout, c’est comme une prison.

Shami Chakrabarti, directrice de l’ONG britannique Liberty, se demande pour sa part comment les jeunes pourraient apprendre la notion de respect dès lors qu’ils doivent dans le même temps abandonner toute notion de vie privée, et de dignité, au nom de certaines convenances administratives :

Comment peut-on espérer pouvoir leur apprendre à bien se comporter si la base de cet enseignement repose sur la peur d’être pris ? Faire grandir nos enfants dans un régime de surveillance quasi-carcéral est quelque chose de consternant.

En surveillant les jeunes plus que de raison, avec ces caméras et ces ordinateurs, nous risquons fort de passer à côté de notre devoir, qui doit d’abord être de respecter, et protéger, nos enfants.

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Pour Alex Deane, porte-parole de l’ONG britannique Big Brother Watch, “les écoles sont en train d’immuniser les élèves contre la surveillance” :

Au début, ils disent que les caméras ne sont pas activées, puis qu’elles se contentent de filmer les lavabos. Les élèves t leurs parents commencent alors à se faire à cette idée, et quand les caméras enregistreront des moments plus intimes, il n’y aura plus personne pour se plaindre.

Pour mémoire, le Gixel, groupement des industriels de l’électronique, avait ainsi expliqué, en 2004, dans un Livre non pas blanc mais bleu qui lui servait de “grand programme stratégique” que “la sécurité (étant) très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles, il faut donc faire accepter par la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles” :

Plusieurs méthodes devront être développées par les pouvoirs publics et les industriels pour faire accepter la biométrie. Elles devront être accompagnées d’un effort de convivialité par une reconnaissance de la personne et par l’apport de fonctionnalités attrayantes :

- Éducation dès l’école maternelle, les enfants utilisent cette technologie pour rentrer dans l’école, en sortir, déjeuner à la cantine, et les parents ou leurs représentants s’identifieront pour aller chercher les enfants.

- Introduction dans des biens de consommation, de confort ou des jeux : téléphone portable, ordinateur, voiture, domotique, jeux vidéo

- Développer les services « cardless » à la banque, au supermarché, dans les transports, pour l’accès Internet, …

Lauréat du prix Orwell de la Novlangue aux Big Brother Awards (BBA) 2004, le Gixel censura son Livre bleu, avant que les BBA ne le remettent en ligne.

Interrogé par un documentariste, le porte parole du Gixel assume totalement cette démarche, au motif qu’ils sont d’abord et avant tout des industriels, au service de la police, de la justice et de l’armée…:

Alex Türk, président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, se plaît à rappeler que “si vous croyez que le monde ressemblera un jour à celui de Big Brother, détrompez-vous… Vous êtes en plein dedans !” :

Lorsqu’on ne s’étonne plus du traçage, de la vidéosurveillance ou de la conservation des données, c’est justement le signal qu’on est entré dans un monde orwellien.

L’étude de Emmeline Taylor, “I Spy With My Little Eye: Exploring the Use of Surveillance and CCTV in Schools“, devrait être rendue publique en avril prochain, à l’occasion d’une conférence sur la société de surveillance globale“.

jean.marc.manach sur Facebook, @manhack sur Twitter.

Image : vignette coda ; corps de l’article :  issues de l’enquête consacrée à la vidéosurveillance dans les lycées en Île-de-France, et de Students under surveillance, reportage de teachers.tv consacré, entre autres, à un établissement équipé de 100 caméras de vidéosurveillance (à raison de deux par salles de classe, sonorisées), à ces établissements qui identifient leurs élèves par leurs empreintes digitales, ainsi qu’à ces crêches qui permettent aux parents de vidéosurveiller leurs bébés pendant la journée.

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