OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Big (business) brother http://owni.fr/2012/06/25/le-business-du-controle-du-net-cyberdelinquance-londres/ http://owni.fr/2012/06/25/le-business-du-controle-du-net-cyberdelinquance-londres/#comments Mon, 25 Jun 2012 18:40:30 +0000 Thomas Deszpot http://owni.fr/?p=114120

Bien décidé à renforcer le contrôle d’Internet, le gouvernement britannique souhaite s’attaquer à la cyberdélinquance. Problème, son coût est difficile à évaluer, et les quelques études sur le sujet laissent perplexes face aux résultats. La dernière en date, réalisée par le cabinet Detica, l’estimait à environ 33,5 milliards d’euros par an. Ce coût se répartit comme suit : 3,75 milliards pour les particuliers, autant pour l’État, et 26 milliards pour les entreprises.

Pour y voir plus clair, le ministère de la Défense à mandaté le professeur Ross Anderson, expert en sécurité informatique, assisté de sept autres spécialistes universitaires. Ils avaient pour mission de chiffrer le coût réel des délits commis sur le net, un travail dont ils ont présenté les résultats sous forme d’un rapport d’une trentaine de pages.

Dans le billet publié pour annoncer cette étude, Anderson entend “démystifier” la cyberdélinquance. Concernant les fraudes traditionnelles par exemple, les experts soulignent que des fraudes “traditionnelles” -comme le resquillage aux impôts ou aux aides sociales- s’effectuent de plus en plus par le biais de l’informatique. Il s’agit là de sommes considérables, mais les dépenses consenties pour s’en prémunir reste raisonnables pour les citoyens.

Lorsqu’il concerne les autres types de fraude en ligne, le bilan s’inverse. Avec le phishing, le spam ou les malwares, spécifiques à Internet, le coût direct est relativement faible. Bien inférieur en tout cas aux dépenses indirectes et de défense. Celles-ci incluent la sécurisation des réseaux et des ordinateurs, à grand renfort d’antivirus et de mesures de prévention des risques. Le chercheur regrette les investissements massifs dans ces dispositifs onéreux, menés en parallèle des politiques de surveillance de la population. Son conseil : donner à la police les moyens de s’attaquer directement aux délinquants qui sévissent sur le Net.

Riposte

Ce rapport intervient alors qu’outre-Manche, un projet de loi pour surveiller Internet est à l’étude. Ce que soulignait Owni début avril  :

L’idée est de mettre en pratique le rêve de toute agence de renseignement qui se respecte : un dispositif de surveillance généralisée et permanente de l’ensemble des communications électroniques et téléphoniques d’une population.

Cette initiative s’inscrit dans la continuité des politiques menées par nos voisins britanniques. En 2011, un plan d’investissement pour la cybersécurité a été lancé. Ce sont 810 millions d’euros qui sont alloués jusqu’en 2015, avec l’objectif afficher de “protéger et promouvoir le Royaume-Uni au sein du monde numérique.” Cette somme a été divisée comme suit :

Selon les chercheurs, cette répartition s’avère peu judicieuse. Favoriser le Government Communications Headquarters (GCHQ), l’une des trois agences de renseignement britannique au détriment de la police ne devrait permettre aucune avancée significative dans la lutte contre la cyberdélinquance.

Le nombre de pirates informatiques, de sites de phishing ou de malwares est sans cesse surévalué. Cela conduit certains services de police à croire que le problème est trop vaste et diffus pour s’y attaquer. En fait, seules quelques bandes sont à l’origine de la majorité des incidents. Une réponse de la police serait bien plus efficace que d’inciter le public à s’équiper de barres d’outils anti-phishing ou de logiciels antivirus.

Une riposte plus ciblée, voilà la solution avancée par le groupe d’universitaires. De l’autre côté de l’Atlantique par exemple, le gouvernement américain a pris des résolutions drastiques. En faisant pression sur les organismes bancaires, il avait fait interdire les dons d’argent à WikiLeaks.

Pour conclure son billet de présentation, Anderson privilégie une action à la source et préconise d’éviter la surenchère dans les dispositifs de prévention.

Plutôt que d’augmenter le budget du GCHQ alloué à la cybersécurité, le gouvernement devrait améliorer les moyens de lutte et d’expertise de la police face à la cyberdélinquence. Cela doit aussi s’accompagner mesures plus strictes pour la protection des internautes.

Ce constat ne fait bien sûr pas les affaires des éditeurs de logiciels spécialisés dans la sécurité. D’ordinaire, les données concernant la cyberdélinquance sont communiquées par les entreprises privées du secteur, à l’instar de Symantec, qui édite l’antivirus Norton. Comme on peut le constater sur la capture d’écran ci-dessous, les chiffres avancés semblent démesurés, pour ne pas dire fantaisistes.

Contradiction

Le renforcement de la sécurité sur Internet est un véritable enjeu pour nos voisins anglais, comme le rappelle l’équipe de chercheurs :

Le Royaume-Uni se place au second rang des pays qui enregistrent le plus de pertes causées par le phishing et le pharming (attaque via les serveurs DNS NDLR). Il est aussi le plus touché par les fraudes à la carte bancaire, qui touche 5% des internautes britanniques.

Au regard de ces chiffres, la lutte contre la cyberdélinquance a de beaux jours devant elle. Quand déjouer les actions menées par de petits groupes de pirates semble envisageables, réguler les agissements des états paraît bien plus hypothétique.

Internet est désormais utilisé dans le cadre de certains conflits. Pour freiner la course vers l’énergie atomique entamée par l’Iran, les États-Unis n’ont par exemple pas hésité à s’en prendre aux systèmes informatiques chargés de la gestion des programmes d’enrichissement d’uranium.

Barack Obama poursuit en ce sens la politique menée par son prédécesseur Georges W. Bush, ce qui n’est pas sans inquiéter outre-Atlantique.  La directrice executive du Bulletin of the Atomic Scientists faisait part il y a peu de ses craintes. Kennette Benedict redoute que les armes informatiques deviennent les armes nucléaires du 21e siècle.

Nous avons pris conscience peu à peu du danger que pouvaient faire peser les armes nucléaires sur nos sociétés et notre civilisation, mais nous n’avons pas encore compris comment des cyberguerres pourraient détruire notre mode de vie. Nous savons pourtant que les États-Unis ont beaucoup à perdre de ces attaques. A bien y regarder, ils sont hautement dépendants de l’information et des technologies de communications, et ce, dans tous les secteurs de la société. C’est pourquoi nous avons besoin d’engager un vaste débat public sur cette nouvelle classe d’armes.

A mesure qu’il lutteront face à la cyberdélinquance, les gouvernements devront prendre des précautions. De victime à coupable, il n’y a parfois qu’un clic.


Illustration par Surian Soosay [CC-by]

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Londres oublie ses données personnelles http://owni.fr/2012/06/01/londres-oublie-ses-donnees-personnelles/ http://owni.fr/2012/06/01/londres-oublie-ses-donnees-personnelles/#comments Fri, 01 Jun 2012 11:22:16 +0000 Florian Cornu http://owni.fr/?p=111698

Le 26 mai 2012, le gouvernement britannique devait mettre en application la transposition dans le droit anglais de la législation européenne sur la protection des données. Mais contre toute attente, le parlement a pourtant fait modifier le texte onze heures avant la date limite livrant une version qui devient beaucoup moins contraignante pour les éditeurs de sites web.

Alors que le texte précédent était basé sur de l’opt-in (le site devait obtenir le consentement préalable de l’internaute sur les cookies transitant par sa plateforme avant que les cookies ne puissent recueillir des informations) le texte remanié exige des sites qu’ils fassent des efforts en matière de clarté sur la nature des cookies transitant par leur plateforme. Il implique également que les internautes aient un “niveau de compréhension général” de ce qui est fait de leurs données personnelles lorsqu’ils arrivent sur une page.

Les systèmes existants auront donc simplement à “faire les changements qu’ils estiment être les plus pratiques” pour se mettre à niveau et être transparents sur leur politique en matière de confidentialité des données. Il pourra s’agir d’une icône sur laquelle cliquer, d’un e-mail envoyé, ou d’un service auquel l’internaute pourrait souscrire.

Dure loi des cookies

Dure loi des cookies

En Grande-Bretagne, les sites web affichant des bandeaux publicitaires encourent une amende de 500 000 livres. En France, ...

Le texte insiste par ailleurs sur l’importance de l’information procurée à l’utilisateur. Il indique que ce dernier doit être pleinement informé du fait qu’une simple lecture des informations sur la politique de gestion des cookies par le site peut valoir consentement.

En d’autres termes, un site peut au minimum afficher une note d’information renvoyant vers une explication précise des buts de chaque cookie en activité. Cette note d’information censée être visible agit comme un faire valoir et suppose que l’internaute anglais accepte les conditions du site en matière de vie privée même s’il ne l’a pas lue.

Dans le meilleur des cas, le site demandera explicitement à l’internaute s’il accepte ou refuse les cookies. La loi n’est cependant pas claire sur cet accord potentiel de l’utilisateur. On peine à savoir si le consentement concernera les cookies dans leur intégralité ou si l’utilisateur pourra ou non refuser des cookies selon leurs fonctions.

Si la loi, avant modification, donnait la responsabilité de la gestion des cookies aux sites, la nouvelle version transfère la responsabilité aux internautes à qui il appartiendra désormais de paramétrer leurs navigateurs ou d’utiliser les logiciels nécessaires pour gérer au mieux ces cookies. Problème, les moyens techniques permettant de gérer les cookies en opt-in sont encore peu nombreux et souvent d’une efficacité relative.

En outre, en remplaçant le terme de consentement préalable par le terme de consentement implicite il crée une large faille. L’internaute pourrait “accepter” (lire les informations sur les cookies opérant sur le site qu’il visite) la charte du site en matière de vie privée alors même que certains cookies pourraient déjà avoir été envoyés sur son ordinateur.

Comme le souligne le commissaire à l’information du gouvernement anglais sur le sujet, certains sites envoient des cookis dès que l’internaute accède à la page d’accueil. Dans ce cas, le texte encourage les sites à

prendre des mesures pour réduire au maximum le délai temporel avant lequel l’utilisateur est informé de la nature des cookies présents et de leurs buts.

Par ce revirement soudain, le gouvernement anglais pond un texte probablement plus pragmatique dans sa mise en application mais beaucoup moins performant en matière de protection des données. Non seulement la loi pose comme base le consentement implicite de l’internaute , mais le gouvernement se dédouane par la même occasion de toute responsabilité en matière de moyens techniques de gestion des cookies. À l’utilisateur et aux éditeurs de sites de trouver les moyens de protéger leur données.

Enfin, en raison de l’impossibilité de faire une chasse aux dizaine de milliers de sites de facto considérés comme illégaux, la loi demeure quasi inapplicable…


Cookies par Ssosay [CC-by] via Flickr

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Dure loi des cookies http://owni.fr/2012/05/25/aucun-site-ou-presque-ne-respecte-la-loi/ http://owni.fr/2012/05/25/aucun-site-ou-presque-ne-respecte-la-loi/#comments Fri, 25 May 2012 17:06:11 +0000 Florian Cornu http://owni.fr/?p=111269 cookies" dans leurs ordinateurs. Inapplicable, la loi n'est… pas appliquée. Mais fait trembler le marketing et la pub en ligne.]]> You Don't Wanna Steal Wookies Cookies CC by-nc-sa Pedro Vezini

You Don't Wanna Steal Wookies Cookies CC by-nc-sa Pedro Vezini

Ce 26 mai 2012, tous les sites web anglais ne respectant pas la nouvelle loi relative à la défense de la vie privée sur le web seront passibles de poursuites et d’amendes pouvant atteindre la modique somme de 500 000 livres. L’effet d’annonce est renversant, au moins autant que le constat : la loi est inapplicable.

Consentement

Cette nouvelle législation récemment rappelée par la Cnil, issue du Parlement européen, a pour but affiché une harmonisation des règles pour tous les pays de l’UE afin de garantir aux citoyens un meilleur niveau de protection de leurs données personnelles. Si la directive s’applique à tous les pays de l’UE, elle laisse toutefois une marge de manœuvre quant à sa transposition.

Facebook en redemande

Facebook en redemande

Le 21 décembre dernier en Irlande, l'autorité de régulation des télécoms rendait un audit très critique sur Facebook et ...

Selon l’adaptation britannique de la loi, tous les sites web devraient à partir du 26 mai passer en “opt in”. Autrement dit, obtenir le consentement préalable de l’internaute sur les cookies transitant par leur plateforme avant que ces derniers ne puissent recueillir des informations. Le texte vise tous ceux qui servent d’une manière ou d’une autre, à recenser les données personnelles d’un internaute (exceptées les données de navigation).

Les cookies, ce sont ces petits fichiers textes qui aident à stocker et à organiser les informations des internautes. S’ils stockent des données en tous genres (mot de passe, langue choisie, etc.) censées faciliter la navigation, ils permettent également de constituer un profil de l’utilisateur en recensant les sites web qu’il visite, ses goûts, les publicités auxquelles il est le plus sensible, etc. C’est également ce qui permet à tout le secteur de la publicité comportementale en ligne de prospérer en proposant des annonces ciblées.

Le responsable légal du site sera donc obligé par n’importe quel moyen de demander à l’internaute qui arrive sur la page d’accueil s’il accepte ou non les cookies. Il devra également détailler leurs buts précis et la société qui en est à l’origine. Le gros problème, c’est qu’actuellement, aucun navigateur n’est techniquement en mesure de faire la distinction entre les différents types de cookies.

Autrement dit, il ne peut reconnaitre ceux qui servent à rassembler les données personnelles de l’utilisateur pour le compte d’une régie publicitaire de ceux qui servent à retenir vos mots de passe et la résolution de votre vidéo.

Date limite

Il serait bien sûr possible de mettre en place une banderole demandant l’autorisation à l’internaute pour chacun des cookies présent sur un site, mais l’opération risquerait de le perturber, de lui poser des questions qu’il ne comprend pas forcément, et d’aboutir finalement à un refus des cookies par l’utilisateur.

On comprend mieux dès lors, le peu d’engouement des éditeurs de sites à appliquer la loi.
En effet, en dehors de certains sites comme “youronlinechoices” ou de l’option “do not track” sur certains navigateurs qui limitent l’utilisation par un tiers de ses données personnelles, aucun outil technique ne semble actuellement au point pour respecter ces directives.

On ne peut pas reprocher au gouvernement anglais d’avoir précipité la mise en œuvre de la loi. Cette dernière, qui devait normalement s’appliquer en août 2011, avait été repoussée d’un an pour laisser le temps aux différents acteurs de se mettre en conformité.

Malgré ce délai, Christopher Graham, le patron de l’Information Commissioner Office (la Cnil Britannique) a annoncé il y a peu que la majorité des sites publics comme privés ne seront pas à même de respecter la date limite imposée.

Apparemment embarrassé, M. Graham a également précisé que son organisation ne s’engagerait pas dans une croisade contre les sites illégaux au matin du 27, mais prendrait des sanctions au cas par cas si aucun effort allant dans le sens de la loi n’avait été engagé par les responsables légaux. Une déclaration qui se veut rassurante. En même temps, la majorité des sites du gouvernement anglais eux-mêmes ne seront pas en règle à la date prévue…

En France, c’est dans l’ignorance la plus totale que la même loi (en fait deux directives et un règlement) dite “Paquet télécom” a été transposée et mise en application il y a presque un an.

Elle stipule (c’est la Cnil qui le précise) “qu’il faut, tout d’abord, informer la personne de la finalité du cookie (ex : publicité), puis lui demander si elle accepte qu’un cookie soit installé sur son ordinateur en lui précisant qu’elle pourra retirer à tout moment son consentement“. Comme l’explique Sophie Nerbonne, directrice adjointe des affaires juridiques à la Cnil :

La loi s’applique à tous les sites notamment aux réseaux sociaux et aux boutons like et tweet des sites partenaires de Twitter et Facebook (pour diffuser un article une vidéo, etc). Par contre, l’obligation de recueil de consentement ne s’applique pas aux cookies liés aux préférences linguistiques, à la mise en mémoire d’un mot de passe, à la résolution d’une vidéo visionnée online, à un cookie flash ou encore à la mémoire relative à un panier d’achat. En effet, ces informations sont directement liées à une demande de l’utilisateur et ont pour finalité exclusive de faciliter la communication.

L’immense majorité des sites web français sont donc également dans l’illégalité la plus totale et risquent des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 300 000 euros.

L’Europe délaisse la neutralité du Net

L’Europe délaisse la neutralité du Net

La commissaire européenne en charge des affaires numériques Neelie Kroes a livré ce matin sa vision d'un Internet ...

À la différence de la Grande-Bretagne, la transposition en droit français implique qu’au lieu d’avoir des cookies en “opt in”, les internautes doivent être informés par les éditeurs de sites “de manière claire et complète de la finalité de toute action tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations déjà stockées dans son équipement terminal de communications électroniques, ou à inscrire des informations dans cet équipement”.

Concrètement, les responsables de plateformes françaises ont l’obligation de placer une bannière sur leur page d’accueil renvoyant à une note qui explique en détail à quoi servent précisément les cookies, d’où ils proviennent et comment faire pour les refuser.

La Cnil, dont le rôle est de faire respecter la loi, doit donc chasser tous les sites qui dans un coin n’ont pas affiché un bordereau ou un moyen d’informer les internautes, ce qui est matériellement impossible. En témoigne Sophie Nerbonne :

Nous savons pertinemment que la majorité des sites sont dans l’illégalité et il faudra évidemment des mois pour trouver les solutions et pour les faire rentrer dans la conformité. C’est compliqué car certains d’entre eux ont aujourd’hui tellement de cookies qu’ils ne savent même plus à quoi ils servent. Sur le plan des moyens, la Cnil peut s’auto-saisir et nous avons déjà procédé à des contrôles et à des mises en demeure même si nous nous montrons compréhensifs. En réalité, nous comptons surtout sur la persuasion et la prise de conscience des internautes et des professionnels quant aux enjeux cruciaux du respect de la vie privée sur le web. Nous comptons également sur le développement prochain des moyens techniques permettant de mettre les sites en conformité

En dehors des plaintes de particuliers concernant certains sites, la Cnil est donc obligée de s’attaquer aux plus gros acteurs sans être aucunement en mesure de faire respecter la loi à court ni même à moyen terme pour les millions de site actuellement hors la loi.

Équilibre

Les enjeux économiques de l’application de la loi sont, eux aussi, motif de friction. Si les internautes décidaient massivement de refuser les cookies pour protéger leurs données personnelles, c’est l’ensemble des acteurs de la publicité comportementale et, par extension, les éditeurs de sites web, qui seraient privés d’une partie non négligeable de leurs revenus comme l’explique Fabienne Granowski du Syndicat national de la communication directe à Owni:

Nous voulons trouver l’équilibre entre l’aspect économique et la protection des données personnelles. Nous n’avons vraiment pas intérêt à brader la vie privée parce que nous serions perdants vis à vis de la confiance des internautes. Si l’“opt in” cookie passait en France il nous serait strictement impossible de travailler car nous n’aurions plus de données personnelles.

Dans un communiqué de Presse du 5 Mai 2012, le SNCD annonçait une perte potentielle de 60% des emplois du marketing direct et une augmentation de plus de 16% de demandeurs d’emplois en cas d’application de la loi . Ces chiffres, issus de leur propre étude, sont de nature à justifier les protestations du secteur. Mais Sophie Nerbonne relativise :

Nous comprenons les inquiétudes mais nous avons eu les mêmes protestations des sociétés liées à la communication directe en 2004 lors de la loi sur la confiance en l’économie numérique. A l’époque, les acteurs avaient peur d’un effondrement du système et de pertes d’argent colossales ce qui n’a pas eu lieu. Ethiquement, il n’est pas possible de continuer à faire prospérer un système économique sur de la récolte de données personnelles alors que l’internaute n’est pas au courant de ce que l’on en fait précisément. Il est nécessaire de développer des techniques efficaces permettant aux internautes d’être conscients de ce qu’on fait de ses informations sans que cela pèse pour autant sur l’économie de la publicité ciblée.

Par ailleurs, le développement de logiciels et d’interfaces permettant de gérer les cookies et de trouver des solutions peut représenter une manne financière non négligeable


Images : You Don’t Wanna Steal Wookies Cookies CC by-nc-sa Pedro Vezini, et you ate my heart CC by-nc-nd Adam Foster | Codefor

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Le Parti Pirate allemand étend son pavillon http://owni.fr/2012/05/07/le-parti-pirate-allemand-land-mai/ http://owni.fr/2012/05/07/le-parti-pirate-allemand-land-mai/#comments Mon, 07 May 2012 15:04:34 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=109248

Les supporters du Parti socialiste célébraient également une victoire électorale ce week-end. Le Parti Pirate allemand fêtait un nouveau joli score, qui confirme son enracinement dans le paysage politique outre-Rhin. Aux élections régionales du Schleswig-Holstein, un Land du Nord pauvre et rural, il a obtenu 8,2% des suffrages, lui permettant d’obtenir six sièges. C’est autant que les libéraux du FPD, les alliés en perte de vitesse de la coalition gouvernementale menée par les conservateurs de la CDU. Certes, la formation est encore loin derrière les grands partis, respectivement 31,5% et 29,9 % pour la CDU et le SPD, et 13,3% pour les Verts. Mais l’important réside dans leur progression : le PP fait plus que quadrupler son score du précédent scrutin, 1,8% en 2009. La CDU perd le contrôle du Land, et Die Linke n’a plus de siège.

Le PP accroche ainsi un nouveau trophée à son tableau de chasse qui s’est sérieusement étoffé ces derniers mois : entrée fracassante au parlement régional de Berlin en septembre puis au parlement de Sarre en mars, ce qui lui avait valu une déclaration de reconnaissance de la part de la chancelière Angela Merkel. Selon elle, le Parti Pirate est “un facteur important” de la vie politique allemande.

Le trublion se permet même de proposer ce lundi son soutien à la probable coalition SPD-Les Verts-Südschleswigschem Wählerverband (SSW, le parti de la minorité danoise). Toutefois, il entend éviter d’être “pris dans des projets de loi gouvernementaux.”

Le parti né en Suède en 2006 séduit beaucoup les jeunes avec son programme initialement consacré aux libertés numériques, ce qui lu a valu une étiquette de “parti de geeks”. Toutefois, il continue aussi de profiter de l’usure du système actuel, en prônant la transparence en politique et une démocratie plus horizontale, avec par exemple leur outil participatif LiquidFeeback. Sebastian Nerz, le jeune président du PP allemand, nous a répété les explications qu’il avance aux médias de plus en plus curieux qui les sollicitent :

Beaucoup de gens sont frustrés par la politique en cercle fermée en œuvre depuis plusieurs décennies. Ils veulent participer aux processus politiques. Et ils constatent que les vieux partis sont incapables de résoudre nos problèmes actuels. Nous présentons des idées nouvelles, une politique ouverte et transparente et nous avons le courage de poser des questions qui dérangent.

La bourde du chef de file du PP au Parlement de Berlin, qui a récemment comparé l’ascension fulgurante du PP à celle des Nazis dans les années 30, ne semble pas avoir eu d’impact.

Envol des adhérents

Cette série de succès profite aux effectifs, qui se sont logiquement envolés ces derniers mois, chaque victoire amenant son lot de nouveaux membres, “essentiellement des libéraux” selon Sebastien Nerz. Néanmoins, le sondage qui propulsait le PP sur la troisième marche du podium des partis allemands, devant les Verts et Die Linke, parait un peu optimiste.

Progression des effectifs Parti Pirate allemand

Le regard naguère contempteur des caciques allemands de la politique a évolué. Sebastian Nerz observe non sans plaisir :

Il n’y a pas un an, ils nous méprisaient. Maintenant, ils doivent prendre en compte nos idées et la façon dont nous voyons la politique. Ils doivent adopter certaines de nos idées. J’aime vraiment ça.

Le Parti Pirate allemand entend continuer sa stratégie actuelle qui porte ses fruits : cultiver sa baseline tout en s’attaquant à d’autres thèmes pour séduire un cercle plus large.

Nous allons même élargir un programme encore plus large, mais nous continuerons de montrer que les hommes politiques peuvent travailler dans la transparence, que la participation mène à de meilleurs résultats et -surtout -, que la liberté et les droits civiques ne doivent pas être méprisés.

Le Parti pirate français sous pression

Le Parti pirate français sous pression

Ce mercredi, le Parti Pirate français a présenté ses candidats aux législatives de juin. Les attentes sont grandes pour ...

Dès dimanche prochain, c’est un nouveau test qui attend le PP, avec un morceau de taille : le Land de Rhénanie-du-Nord Westphalie, le plus important d’Allemagne tant par sa taille démographique que par son poids économique.

En dépit de leur courte existence – ils se sont lancés en 2009 -, leurs cousins anglais ont aussi passé un bon week-end électoral : ils ont atteint pour la première fois 5% des voix à l’occasion des élections locales, dans la ville de Manchester, et un autre candidat a reçu 3 % des voix.

Certes ces scores ne leur permettent pas d’obtenir un siège, mais une pression supplémentaire pour le Parti Pirate français en lice aux législatives le mois prochain et qui pour l’heure semble appliquer le principe de transparence à son existence même.


Illustration par Loguy /-)

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Les gaz de schiste font trembler l’Angleterre http://owni.fr/2011/11/01/les-gaz-de-schiste-font-trembler-langleterre/ http://owni.fr/2011/11/01/les-gaz-de-schiste-font-trembler-langleterre/#comments Tue, 01 Nov 2011 08:33:01 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=85001

Nous n’employons pas le mot « séisme », nous préférons parler de « secousses » car ce sont des phénomènes géologiques qui ne peuvent pas être ressentis par l’homme.

Plusieurs mois après les deux « mini tremblements de terre » qui ont fait trembler la région de Blackpool au moment où la société Cuadrila Resources fracturait des puits de gaz de schiste, scientifiques et porte-paroles du ministère de l’Environnement continuent de sortir les pinces à sucre pour évoquer l’incident. Car cet automne, la Grande-Bretagne a été secouée par deux répliques de la révolution énergétique en cours : l’annonce d’un effondrement accéléré de la production d’hydrocarbures en Mer du Nord (vache à gaz de la Couronne) et une estimation mirobolante de 5,6 milliards de mètres cubes de gaz emprisonnés dans le sous-sol de la région de Blackpool. Tombées à quelques jours d’intervalles, les deux infos ont d’emblée biaisé le débat en faveur des pro-gaz de schiste au niveau gouvernemental.

Coup de téléphone à la presse locale

Les preuves scientifiques liant les opérations de recherche par la technique de fracturation hydraulique dans la région de Blackpool et les deux mini-séismes étaient pourtant accablantes. Menées par le British Geological Survey (centre de recherche dépendant du Conseil scientifique national), les mesures sismiques concluaient à un lien « probable » entre les deux événements, que nous a détaillé le professeur Michael H. Stephenson, responsable du département énergie de cet institut de recherche :

Les deux ondes enregistrées le 1er avril et le 27 mai étaient de même nature et ont eu lieu au moment même où Cuadrilla Ressources menait des opérations de fracturation hydraulique, avec le même modèle sismique.

Publiées sur le site, les mesures situent l’épicentre dans une zone de 500 mètres autour des forages à une profondeur de 2000 mètres, soit celle où les produits sont injectées. Malgré l’arrêt des travaux par la société Cuadrilla Resources, les esprits ont commencé à s’échauffer dans le Lancashire : début août, des militants anti-gaz de schiste du mouvement « Frack off ! » (« va te faire fracker ! ») déroulaient sur la tour emblématique de Blackpool une banderole de 150 mètres de long.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le 15 octobre, un quotidien local, la Blackpool Gazette, publiait un article intitulé : « Les forages ont BEL ET BIEN causé un tremblement de terre ». Une info relayée dans tout le pays à la vitesse des dépêches. Jusqu’à ce qu’un porte-parole du Département de l’énergie et du changement climatique (DECC, ministère de l’Écologie britannique) ne décroche son téléphone :

Nous avons appelé le journaliste du quotidien de Blackpool pour savoir d’où il tenait cette information. Il s’est excusé de son erreur. Jusqu’ici, aucune preuve n’a été produite qui indique un lien entre les opérations de prospection et les secousses. Nous avons demandé à Cuadrilla Resources de rendre un rapport pour nous montrer que l’exploration ne cause pas de séismes et, avec l’aide de nos experts, nous étudierons la question.

Entre les mains du premier intéressé

La nature du rapport que doit remettre la société gazière reste cependant floue : pour un scientifique interrogé sur le document attendu, cette « preuve » serait en fait une « contre offre » visant à proposer une autre technique plus sûre. Cuadrilla Resources n’a pas donné lieu à nos sollicitations afin d’éclaircir ce point.

Dirigée par un ancien cadre de BP, la société sait néanmoins parler au gouvernement. Dans la note d’intention remise au DECC [pdf], un paragraphe éclaire à lui seul le caractère stratégique du dossier pour la Grande Bretagne :

Cuadrilla pense que les gaz de schiste peuvent assurer une « triple victoire » pour les gouvernements, notamment le gouvernement britannique, contribuant aux trois objectifs politiques clefs (1) améliorer la sécurité énergétique, (2) réduire le coût et la volatilité des prix de l’énergie pour les consommateurs et (3) réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Les milliards de mètres cubes et l’indépendance gazière offerts sur un plateau par Cuadrilla ne sont cependant pas si garantis que la compagnie n’ose le dire. Les réserves ne sont d’abord qu’une estimation par la compagnie qu’aucune étude indépendante n’est venue confirmer ou corriger et qui ne tiennent ensuite aucun compte du « taux de récupération », c’est-à-dire de la quantité de gaz qui pourra être effectivement extraite de cet océan d’hydrocarbures. Mais la société prévient les critiques en précisant que la plupart des zones étudiées jusqu’ici restent « immatures » et ne permettent pas d’évaluer la durée de vie réelle des puits. Des déclarations comme beaucoup d’autres sociétés en ont fait auparavant mais dont des mémos internes publiés par le New York Times ont révélé qu’elles n’étaient que pure surestimation visant à convaincre investisseurs et gouvernants.

Sans date précisée pour le rendu de ce rapport, le débat sur les gaz de schiste est aujourd’hui tourné vers Blackpool. Et pendant que le ministère de l’écologie reçoit des manifestants dans le cadre des consultations, Cuadrilla essaime des demandes de permis à travers l’Europe : déjà implanté en Hollande et en Pologne, la compagnie britannique brigue désormais des zones d’exploration en Espagne. Autant de pays où le débat n’a pas encore fait trembler l’opinion.

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale macten

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Censure des médias sociaux: éléments pour une sociologie des émeutes britanniques http://owni.fr/2011/08/19/censure-reseaux-sociaux-londres-cameron-ukriots/ http://owni.fr/2011/08/19/censure-reseaux-sociaux-londres-cameron-ukriots/#comments Fri, 19 Aug 2011 09:35:05 +0000 Antonio A. Casilli et Paola Tubaro http://owni.fr/?p=76485 Les liens de cet article sont en anglais.

Oh, sublime hypocrisie des médias traditionnels européens ! Les mêmes technologies, glorifiées pendant le “Printemps arabe” pour avoir fait chuter à elles seules des dictateurs, sont maintenant au cœur d’une panique morale sans précédent pour avoir soi-disant alimenté les émeutes britanniques d’août 2011. Dans un récent article, Christian Fuchs affirme avec justesse :

Même la BBC s’est mise, le 9 août, à adopter un discours diabolisant sur les réseaux sociaux et à parler du pouvoir qu’ils ont à rassembler pas cinq, mais 200 personnes pour former un « gang » d’émeutiers [rioting « mob »]. Les médias et les politiques ont donné l’impression que les émeutes avaient été orchestrées par des « gangs Twitter » [« Twitter mobs »], des « gangs Facebook », et des « gangs Blackberry ». Après avoir parlé de « révolutions Twitter » et de « révolutions Facebook » il y a quelques mois en Egypte et en Tunisie, on entend aujourd’hui parler des « gangs des réseaux sociaux » au Royaume-Uni. Comment considérer ces déclarations ?

Et puis, comme d’habitude dans les moments de paniques morales, les appels à la régulation des technologies se font entendre. Le 10 août, le Daily Express écrivait: « On pense que les pillards et les casseurs ont communiqué avec d’autres fauteurs de trouble via le service BlackBerry Messenger (BBM), les prévenant des lieux des émeutes et incitant à plus de violence. L’écrivain spécialiste des technologies Mike Butcher a dit qu’il était incroyable que le service n’ait pas déjà été fermé. Il a affirmé : « les téléphones mobiles se sont transformés en armes. C’est comme de l’envoi de texto sous stéroïdes – »

Oh, le raffinement exquis de l’art ancestral du deux poids deux mesures! La même presse conservatrice qui s’indignait de la censure des communications en ligne par les dictateurs en appelle désormais à la suppression pure et simple de pans entiers des réseaux de télécommunication – comme le montre ce papier du Daily Mail.

Le fait est que la panique morale au sujet des réseaux sociaux est le reflet spéculaire de l’enthousiasme aveugle pour ces mêmes technologies. Tous deux émergent du même déterminisme technologique qui acclame les nouveaux gimmicks et buzzwords pour gommer les motivations économiques et sociales des émeutes. Ceci dit, que pouvons-nous, en tant que sociologues, dire du rôle des médias sociaux et de la manière dont ils auraient aidé, voire encouragé la propagation du conflit politique ? Très peu en réalité, dans la mesure où nous n’avons pas de données concernant l’utilisation réelle des réseaux sociaux pendant les émeutes. Il faudrait des mois pour rassembler ces données – et qui peut attendre si longtemps dans un environnement médiatique qui recrache des analyses bâclées à longueur de journée ?

La meilleure approche est plus innovante et repose sur la simulation sociale. Il s’agit d’une nouvelle méthodologie qui compare des scénarios sociaux alternatifs générés par ordinateur pour définir quelles sont les variables qui entrent en jeu lors de procédés sociaux spécifiques . L’une de ces variables est l’utilisation des réseaux sociaux pour organiser des flash mobs afin de prendre connaissance du terrain où les soulèvements urbains ont lieu. Nous voulons démontrer que plus nous réprimons et censurons les médias sociaux face à une situation de troubles publics, plus la situation se dégrade pour tout le monde dans une société donnée.

Le modèle de violence civile d’Epstein (revisité)

Cela fait maintenant une dizaine d’années que des sociologues modélisent la violence civile grâce à la simulation multi-agents. Une contribution majeure – sur laquelle nous bâtissons notre modèle – a été faite par Josh Epstein dans un article de 2002.

Les simulations multi-agents sont comme des jeux définis par des règles très simples – mais qui donnent des résultats complexes. En l’occurrence, ce modèle décrit une société où il n’y a qu’un seul type d’agent social (représenté par les cercles dans la figure 1). (Avant de vous insurger contre une simplification excessive, demandez-vous si vous vous sentez plus à l’aise avec la caractérisation politique que les médias conservateurs ont véhiculé ces derniers jours, pour laquelle il y a deux types de citoyens : les « pillards » d’un côté et « ceux qui sont prêts à défendre leur communauté » de l’autre. Au moins, l’agent social standard d’Epstein nous rappelle que tout le monde peut devenir un pillard selon la situation).

L’attitude de l’agent est influencée par plusieurs variables. La première est le niveau de mécontentement politique propre à l’agent (la «doléance », indiquée en vert plus ou moins sombre sur la figure 1). Cela peut conduire cette personne à abandonner son calme habituel pour devenir un protestataire actif (les cercles rouges sur la figure 1). Mais la décision de passer à l’action – que ce soit pour se lancer dans des pillages sauvages ou pour brûler le Parlement et renverser le gouvernement – est conditionnée par l’environnement social de l’agent (« voisinage »). L’agent peut-il détecter la présence de la police dans les environs (les triangles bleus dans la figure 1) ? Si la réponse à cette question est non, il rentrera en action. Si la réponse est oui, une autre question est soulevée : la présence policière est-elle contrebalancée par un nombre suffisant de citoyens protestant activement ? Si la réponse à cette question est oui, alors l’agent entre en action. Parfois, de manière complètement aléatoire, un citoyen est arrêté par la police et envoyé en prison pour une période de temps donnée (les cercles noirs dans la figure 1). (Encore une fois, si vous vous émerveillez devant la simplicité de cette règle, gardez à l’esprit combien il est compliqué pour la police anglaise de discerner qui fait quoi dans une émeute – et combien des arrestations de ces derniers paraîtront finalement arbitraires.)

Le modèle prend bien entendu en compte d’autres facteurs atténuants, tels que le risque perçu d’être arrêté et la légitimité du gouvernement. Et bien sûr, il y a la possibilité de se déplacer d’un endroit à un autre pour unir ses forces à d’autres protestataires et causer des dégâts. Nous reviendrons sur ce point parce qu’il apparaît comme déterminant dans l’utilisation des réseaux sociaux.
Le principal résultat du modèle d’Epstein est que, dans une situation type, la violence civile ne ressemble pas à un processus linéaire. La vision naïve, selon laquelle le conflit politique est un processus cumulatif où la confrontation s’intensifie jusqu’à ce que le gouvernement s’écroule, est fallacieuse. L’agitation civile ou politique est ce qu’Epstein appelle « l’équilibre ponctué ». De longues périodes de stabilité où la rébellion est latente sont suivies par des crises soudaines et violentes.

Il y a une autre variable qui est, à nos yeux, cruciale pour comprendre l’utilisation des réseaux sociaux dans la création de flash mobs, utilisés en situation de violence civile : cette variable est appelée « vision » dans le modèle d’Epstein. La vision est l’habilité qu’un agent à analyser son environnement pour y trouver des signes de policiers ou de protestataires. Plus la vision est élevée, plus la portée de l’agent est étendue.

Ce que nous avons fait ici c’est de modifier les conséquences de la variable « vision ». Dans le modèle original, les agents et les officiers de police se déplacent de manière aléatoire dans des lieux situés dans leur champs de vision. Nous avons introduit une nouvelle règle selon laquelle les agents se déplacent dans leur champs de vision dans des endroits entourés d’un maximum de protestataires. Le résultat de la simulation modifiée (si vous souhaitez télécharger le code, il vous suffit de cliquer ici) est en accord avec l’utilisation tactique des technologies mobiles par les protestataires, afin d’avoir un avantage cognitif sur les forces de police et pour mieux connaître le terrain, ses ressources et ses éventuels points faibles.

Ce simple changement simule l’attitude d’individus impliqués dans des troubles civils, utilisant BBM ou Twitter pour détecter et converger vers des points chauds.

Si la valeur de la variable « vision » est forte (comme dans une situation où les outils de réseaux sociaux sont répandus et ne sont pas censurés), chaque agent est complètement informé sur tout ce qui se passe, même dans des lieux reculés. Si la communication sociale est censurée, la valeur de la « vision » est plus basse, et les agents n’ont qu’une connaissance partielle, ou non-existante, de leur environnement et se déplacent de manière aléatoire.

La censure sur Internet : une source de forte violence continue

Notre logiciel de simulation reproduit le fonctionnement d’un certain système social (disons par exemple une ville comme Londres) sur une durée considérable (dans notre cas 1000 étapes-temps, « time steps »), avec les différentes valeurs du paramètre « vision », ceteris paribus (c’est-à-dire, toutes choses égales par ailleurs – cf. Table 2 de l’annexe 1 à la fin de ce post). En testant le modèle à plusieurs reprises et en générant des scénarios alternatifs, nous observons les valeurs plus ou moins hautes de la variable « vision » – indiquant les effets d’un changement du niveau de censure.

Observons les résultats dans la Figure 3 :

Comme nous pouvons le voir, différentes valeurs de la variable « vision » génèrent différents modèles d’agitation civile ou émeute à travers le temps. Tous les scénarios montrent une crise initiale – plus ou moins ce dont nous avons été témoins ces derniers jours. Ce qui se passe ensuite dépend du niveau de censure imposé par le gouvernement. Dans le cas d’une censure complète (vision = 0) le niveau de violence reste à son maximum indéfiniment. Souvenez-vous de la tentative du régime de Moubarak de couper Internet en Egypte en janvier 2011 – et rappelez-vous des conséquences sur la montée de la violence dans le pays, et finalement sur le régime lui-même… Les autres cas correspondent à de moins en moins de censure. Les valeurs comprises entre 1 (une censure presque totale) et 9 (presque pas de censure) correspondent à différents niveaux d’agitation prolongée : plus la censure est forte, plus le niveau de violence endémique est élevé sur la durée (la droite de régression représentée par les lignes noires sur la figure 3).

Le dernier cas, qui correspond à une « vision » parfaite des agents sociaux (et donc pas de censure du tout), mérite qu’on s’y attarde un peu plus. Apparemment cette situation est caractérisée par des éruptions de violence incessantes, avec des pics d’activité qui sont encore plus significatifs que dans les autres cas. Pourtant, sur la durée, la tendance générale liée à la violence (la ligne noire) reste basse. En outre, si l’on souhaite mesurer l’importance des éruptions de violence, regarder les pics d’activité n’est pas suffisant. Observer les intervalles de temps entre les crises, la durée des crises et le niveau de « paix sociale » entre les crises, nous permet de découvrir que ce scénario est en réalité le meilleur pour tout le monde. En l’absence de censure, les agents protestent, parfois violemment, mais ils sont capables de retourner à des situations calmes (ligne verte dans la figure 4) lorsque l’agitation sociale est interrompue.

C’est le seul scénario où la protestation redescend à zéro pendant des périodes de temps étendues et répétées (cf. Table 1 dans l’annexe 1 à la fin du post) : précisément ce que Epstein décrit comme « l’équilibre ponctué » dans son modèle initial de violence civile. Et même si ça ne semble pas correspondre à nos plus beaux rêves d’harmonie sociale, il s’agit quand même d’une situation où les citoyens sont libres d’exprimer leurs dissensions sur les médias sociaux, de coordonner leurs efforts et d’agir en fonction – bien que de manière conflictuelle – tout en profitant d’un plus haut niveau de calme sur la durée (voir la figure 5).

En l’absence de censure en ligne, les agents sociaux ont une « vision » de 10 correspondant aux niveaux les plus bas de violence sur la durée.

Quelques remarques pour conclure

Ça n’est pas notre rôle de juger les politiciens et l’autorité policière lorsqu’ils désapprouvent les « justifications sociologiques » des émeutes au Royaume-Uni ou lorsqu’ils réduisent les sciences sociales à – au mieux – un luxe que nous ne pouvons pas nous offrir en temps d’agitation. Leur position qui se résume à agir d’abord et réfléchir ensuite, même si elle peut être motivée par de bonnes intentions, peut mener à des choix politiques malavisés – comme c’est le cas pour la censure sur Internet que nous avons choisi de traiter ici.

Bien entendu, d’autres facteurs doivent être pris en compte pour utiliser un modèle sur la violence civile inspiré d’Epstein. Comme le montre un récent papier de Klemens et al. (2010) les éruptions de violences sont plus probables lorsque qu’il y a une augmentation des privations (la récente crise financière semble bien entrer en compte ici). La violence civile est aussi influencée par la perte de légitimité du gouvernement – ce qui, dans ce cas, semble cohérent avec les coupes budgétaires impopulaires dont David Cameron a fait la promotion. Sans parler du récent scandale sur les écoutes téléphoniques de News of the World. Enfin, les éruptions de violence sont moins probables lorsque les capacités répressives augmentent.

Ce qui ne correspond pas à l’argument naïf selon lequel « ce dont nous avons besoin c’est de plus de policiers » – et qui est habituellement utilisé en temps de troubles civils. La capacité répressive, dans le cas des émeutes britanniques, renvoie à l’adaptation des procédures de police pour compenser l’avantage tactique clair dont disposaient les émeutiers pendant les premiers jours d’août – un avantage qui semblait consistant avec l’augmentation du niveau de la variable « vision » et la connaissance du terrain permise par les communications mobiles. La présence accrue de la Metropolitan Police et les initiatives des forces de l’ordre sur Facebook, Flickr et les Googlegroups peut vraiment permettre la limitation des poussées de violence en réduisant l’avantage communicationnel des émeutiers.

D’autres études ont utilisé la simulation sociale pour étudier la censure dans des situations de violences civiles. Garlick et Chli (2009), par exemple, montrent que restreindre la communication sociale apaise des sociétés en révolte, mais a l’effet opposé sur des sociétés stables. Notre intention est de montrer que le choix de ne pas restreindre les communications sociales est une décision judicieuse en l’absence d’indicateurs solides sur le niveau de rébellion d’une société donnée.

Nous avons essayé de démontrer que, même en l’absence de données empiriques, les sciences sociales peuvent toujours nous aider à interpréter la façon dont un facteur social entre en jeu, et peut-être éviter de renoncer à nos valeurs démocratiques et à la liberté d’expression pour un sentiment de sécurité illusoire.

Annexes


Article conjointement publié sur les blogs respectifs d’Antonio A. Casilli et de Paola Tubaro

Illustration: Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commerciale gothick_matt

Traduction: Marie Telling

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Royaume-Uni: vers un nouveau régime de propriété intellectuelle? http://owni.fr/2011/06/15/le-regime-de-la-propriete-intellectuelle-britannique-bientot-revise/ http://owni.fr/2011/06/15/le-regime-de-la-propriete-intellectuelle-britannique-bientot-revise/#comments Wed, 15 Jun 2011 08:44:40 +0000 Dovile Daveluy http://owni.fr/?p=67926

Un rapport sur le régime de propriété intellectuelle britannique avait été confiée par le Premier ministre, David Cameron, au professeur Ian Hargreaves, titulaire de la chaire d’économie numérique à l’École de journalisme de Cardiff.

L’étude rendue le 18 mai 2011 met au jour un certain nombre de déficiences du système actuel. Tout d’abord, il suggère que, dans un environnement numérique, où toute technologie de communication implique des copies de textes, d’images et de données, les lois restrictives sur le copyright « agissent comme un frein à la création de certains types de nouveaux modèles d’affaires fondés sur Internet ». Une autre preuve de l’obsolescence du régime actuel serait la loi interdisant le « changement de format » qui, par exemple, rend techniquement illégal la copie, sur un lecteur MP3, d’un CD légalement acquis. Bien qu’aucun citoyen britannique n’ait été traduit en justice pour ce type de cas, le rapport insiste sur le fait que « le régime du copyright n’est pas adapté à l’ère numérique quand des millions de citoyens sont hors la loi par le simple fait de copier un morceau de musique ou une vidéo d’un support de lecture sur un autre ».

Parodies et œuvres orphelines

Les parodies pâtissent aussi de la législation actuelle. Les fans de musique et de technologies furent scandalisés après que le tube viral de l’an dernier, « Newsport State of Mind », parodiant le single « New York State of Mind » d’Alicia Keys and JayZ, fut retiré de YouTube parce que les auteurs de la chanson originale avaient refusé d’accorder cet usage, en vertu de leurs droits de propriété intellectuelle. Cependant, beaucoup de variantes de cette première parodie peuvent encore être vues sur YouTube.

Le rapport soulève aussi les problèmes liés à l’utilisation des « œuvres orphelines », dont on ignore l’identité des titulaires des droits originels, la prolifération des brevets, et ceux liés aux droits du design et de l’innovation. Ian Hargreaves aboutit à la conclusion que le cadre législatif doit être actualisé en équilibrant « les objectifs économiques et les buts sociaux, ainsi que les bénéfices potentiels pour les détenteurs de droits et les conséquences pour les consommateurs ».

Pour Ian Hargreaves, en dépit de ses imperfections, le régime actuel a perduré car « le lobbying des titulaires de droits a été plus convaincant pour les ministres que les analyses d’impact économiques ». John Naughton, professeur de vulgarisation scientifique à la Open University, confie, dans un article paru dans le Guardian, que certains ont redouté que Ian Hargreaves soit également « soumis à des pressions pour qu’il soit plus sensible aux exigences des pop-stars et de leurs agents ». Au contraire, soutient John Naughton, Ian Hargreaves a fourni une excellente analyse du régime actuel, démontant la « stupidité » de lois archaïques.

Ian Hargreaves souligne que les conclusions de son rapport s’appuient sur des réalités économiques, et insiste sur le fait que les politiques publiques devraient aussi être menées à travers des incitations économiques. Il affirme que si les propositions qu’il développe étaient mises en œuvres, elles entraineraient une hausse du PIB comprise entre 0,3 % et 0,6 %. Le ministre des Affaires, de l’Innovation et du Savoir-faire, Vincent Cable, s’est réjouit que le rapport établisse un lien clair entre propriété intellectuelle et potentiel de croissance économique. La sous-secrétaire d’État Judith Wilcox s’est également satisfaite de ce que le rapport offre « la chance d’un avenir avec un marché prometteur pour la créativité britannique, où la valeur de l’innovation et de la recherche dépassent la peur de la piraterie et de la contrefaçon ».

Copie-pirate et supports de lecture

Pour enfoncer le dernier argument des ayant-droits, la copie-pirate, le rapport note qu’il existe très peu de données fiables pour mesurer l’ampleur des téléchargements illégaux. Par conséquent, il conclut que « de nombreuses entreprises créatives traversent une période difficile due aux infractions numériques des lois sur le copyright, mais qu’au niveau macroéconomique, les impacts mesurables ne sont pas aussi forts qu’ils ont parfois pu être décrits ». Par ailleurs, le rapport suggère que si des problématiques aussi triviales que le changement de support sont résolues, le gouvernement pourra se concentrer pleinement sur des enjeux bien plus fondamentaux, incluant le piratage.

En ce qui concerne la régulation sur le copyright, le rapport met fortement en garde contre une « sur-régulation des activités qui ne portent pas atteinte à l’objectif central du copyright, qui est de financer les incitations à la création ». Il suggère que le Grande-Bretagne s’appuie sur toutes les exceptions aux droits d’auteur autorisées par l’Union européenne. Cela signifie par exemple accepter, au lieu de l’interdire, le changement de support de lecture, la parodie, la recherche non-commerciale, l’archivage bibliothèque et le data mining en recherche médicale. Hargreaves va même plus loin en suggérant que le Royaume-Uni devrait mener l’Union européenne à développer une autre exception au droit d’auteur pour favoriser l’adaptabilité aux nouvelles technologies.

Digital Copyright Exchange

Le rapport imagine la création d’un Digital Copyright Exchange, qui fonctionnerait comme un « arrêt achat minute » pour licences. Ce marché numérique gérerait les ventes et acquisitions de licences plus rapidement et pour moins cher. La parolière Helienne Lindvall, qui considère le rapport « équilibré », concède que c’est une bonne idée, mais remarque que la mise en œuvre sera complexe en raison de la quantité d’information qu’il faudra collecter dans une seule et unique base de données.

Le Digital Copyright Exchange aurait également pour mission de résoudre la question des œuvres orphelines. Ian Hargreaves propose d’établir une licence globale pour les œuvres orphelines, ainsi qu’une clarification de la procédure pour les utilisations de travaux individuels. En outre, il suggère qu’une œuvre soit considérée comme une œuvre orpheline seulement si elle n’est pas répertoriée dans les bases de données préconisées par le rapport. Bien que l’impact économique de l’usage libre des œuvres orphelines soit impossible à mesurer, le British Film Institute estime qu’il pourrait générer 500 000 £ de recettes supplémentaires. L’auteur du rapport conclut qu’il n’y a pas d’inconvénients à autoriser l’utilisation des œuvres orphelines qui représentent « une vaste mine d’or » où de « vraies découvertes » pourraient être faites.

Prolifération des brevets

Ina Hargreaves s’est également penché sur l’enjeu de la prolifération des brevets. Le rapport explique qu’en raison des pressions technologiques, il existe un accroissement spectaculaire du nombre de brevets pour des applications qui entraîne des retards dans les processus de cession de brevets. Ce qui provoque d’importants retards pour les institutions en charge de la gestion des ceux-ci. De plus, dans certains secteurs, tout spécialement dans les logiciels et les télécommunications, l’augmentation du nombre de brevets bloque leur régularisation en créant un « enchevêtrement » de brevets préexistants  et en cours de développement, ce qui ralentit l’arrivée d’innovations sur le marché. La principale solution proposée implique une coopération internationale et un réajustement pour rationaliser les frais de structure afin d’éliminer les brevets à faible valeur.

D’autres recommandations du rapport Hargreaves impliquent une réaffirmation du rôle de la propriété intellectuelle dans l’industrie du design, où elle a été négligé, ou encore la mise en place de mécanismes législatifs pour mettre à jour les lois relatives à la propriété intellectuelle. Le rapport envisage d’attribuer au Bureau de la propriété intellectuelle de nouveaux droits et de nouvelles responsabilités de contrôle de l’application des lois et du rôle joué par le régime de propriété intellectuelle dans l’innovation, tout en étant réceptif aux changements. Le Bureau, préconise le rapport, devrait pouvoir prendre position pour, le cas échéant, clarifier des points de droit.

Un rapport qui fait consensus mais…

Jusqu’ici, les réactions au rapport ont été plutôt positives. Peter Bradwell, un militant de l’Open Rights Group, a félicité dans le Guardian le professeur Hargreaves pour avoir « réussi l’impossible : satisfaire toutes les parties ». En effet, plusieurs acteurs concernés ont semblé convaincus par les changements proposés. David Lynne Brindley, par exemple, responsable de la British Library, a noté que les « recommandations, incluant celles relatives à la numérisation des œuvres orphelines, aux textes et au data mining, ainsi qu’à l’archivage numérique produiront des bénéfices immédiats pour la recherche, l’apprentissage et l’enseignement tout au long de la vie. » Mike O’Connor, chef du Consumer Focus, a déclaré qu’autoriser le changement de format serait une « très bonne nouvelle pour les consommateurs ». De nombreuses voix ont également salué l’idée d’un Digital Copyright Exchange, qui simplifierait les procédures d’acquisition de droits et les bénéfices potentiels que cela apporterait à l’innovation et au dynamisme économique.

Les détenteurs de droits ont de leur côté lâché un soupir de soulagement en constatant que le rapport rejetait ce qu’ils craignaient le plus : l’hypothèse de l’importation du concept américain de fair use, qui autorise la reproduction de parties importantes d’une œuvre, pour certains usages, sans la permission des ayant-droits. Les entreprises telles que Google ou YouTube ont notamment utilisé cette disposition pour construire leurs sites d’agrégation sans l’autorisation de reprise de contenus protégés par le droit de la propriété intellectuelle. Google, cependant, a été accusé d’enfreindre ces droits à de nombreuses reprises. Bien que David Cameron semble se faire une idée relativement positive du concept de fair use, peut-être influencé par les relations amicales qu’il entretient avec Google, le rapport affirme que « l’importation du fair use paraît impossible à réaliser compte tenu de la législation européenne. »

La question principale est donc, à présent, de savoir dans quelle mesure le gouvernement britannique s’appuiera sur les recommandations de ce rapport. Certains observateurs relèvent qu’en 2006, le Gowers Review of Intellectual Property avait avancé des propositions similaires dont la plupart, cependant, n’avaient pas été réellement examinées. C’est pourquoi Peter Bradwell, de l’Open Rights Group,  a déclaré qu’on pouvait seulement espérer que le travail du professeur Hargreaves et de son équipe ne finisse pas dans les armoires où tant de rapports prennent la poussière.


Traduit de l’anglais par François Quinton
Publié initialement sur le site de l’INAGlobal sous le titre Le régime de la propriété intellectuelle britannique bientôt révisé ?

Illustrations CC via Flickr : Stefaneginer;remychautard ; jm3 ; qthomasbower

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TICE: évaluez, rémunérez… virez http://owni.fr/2010/09/14/tice-evaluez-remunerez-virez/ http://owni.fr/2010/09/14/tice-evaluez-remunerez-virez/#comments Tue, 14 Sep 2010 06:01:27 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=20371

Loin d’être la panacée miracle pour révolutionner l’école, les TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Éducation) sont dévoyées dans les pays anglo-saxons pour servir une politique d’“accountability punitive” issue du management des entreprises. En France, on trouve des traces de cette pensée. C’est la thèse défendue, entre autres, par Alain Chaptal, ingénieur Télécom Paris et docteur de l’Université Paris X en sciences de l’information et de la communication, dans son mémoire “Les cahiers 24×32, la situation des TICE et quelques tendances internationales d’évolution”, publié en mars dernier.

Alain Chaptal évoque surtout le cas des États-Unis sur ce point. S’ils utilisent depuis longtemps, et dans un consensus général, les technologies éducatives pour pallier les difficultés de leur système, “l’administration Bush a toutefois profondément modifié le contexte général avec la loi NCLB (No Child Left Behind, ndlr)  adoptée au début de son premier mandat, fin 2001″. Un infléchissement significatif de la politique de son prédécesseur Bill Clinton.

Exit les visées pédagogiques, la loi NCLB a fixé des objectifs de réussite aux élèves, enjoints d’atteindre le niveau “proficient”, “bon”, en anglais et en mathématiques d’ici 2013, et a généralisé le recours aux tests. En ligne de mire, les professeurs :

La loi NCLB a mis en avant la notion de « accountability », rendant les établissements et leurs enseignants responsables des progrès de leurs élèves et les sommant de rendre des comptes.

Alain Chaptal décortique les visées de cette logique : “l’administration Bush a, de manière très cohérente vis-à-vis de NCLB, insisté sur la technologie comme outil d’analyse des données issues des tests pour définir des profils d’apprentissage et de succès fondés sur les statistiques tirées des résultats des élèves. On a donc assisté au développement d’une culture du résultat, fondée sur le triptyque transparence-indicateurs-incitations, reposant sur des indicateurs simplistes et aboutissant à une stigmatisation des écoles en échec.”

L’entrée dans “l’ère des comptables”

C’est l’entrée dans “l’ère des comptables”. Les TICE ont permis de récolter des traces exploitables pour évaluer l’élève, mais aussi l’enseignant. De là à les rémunérer à la “performance”, il n’y a qu’un pas, qui est en train d’être franchi.

La loi NCLB prévoit “en fonction des résultats aux tests un arsenal de sanctions allant, au bout de cinq années consécutives de non respect de la règle des progrès annuels (Adequate Yearly Progress ou AYP), jusqu’à la fermeture de l’école, le licenciement de ses personnels ou sa transformation en Charter School“. (des écoles expérimentales dérogatoires, à financement public, ndlr).

Et comme les objectifs sont inatteignables, de plus en plus d’écoles sont menacées de sanctions. En 2008-2009, “5.300 écoles exposées aux sanctions les plus radicales”, note-t-il.

Manipulations des chiffres

Assigner des objectifs, pourquoi pas, encore faut-il que ceux-ci soient définis avec précision, ce qui n’est pas le cas de la NCLB. Résultat, on a assisté à “une multitude de manipulations de la part des États chargés d’administrer ces tests mais soucieux avant tout de présenter des résultats positifs témoignant de l’excellence des politiques suivies.” Avec comme corollaire une baisse du niveau pour améliorer les résultats, “aboutissant à des disparités considérables entre États voire à des contorsions statistiques.” Au détriment des cas extrêmes, élèves trop mauvais ou trop bons, qui ne sont pas susceptibles de faire changer la notation des établissements.

Si cette politique basée sur une vision comptable empruntée à l’entreprise n’est pas nouvelle, elle prend à cause des TICE une tournure beaucoup plus poussée : “Mais ce qui donne davantage d’ampleur cette fois-ci, c’est la possibilité d’exploiter les nombreuses données issues des traces numériques découlant de l’utilisation des TICE, de mettre en évidence des profils d’apprentissage ou de progression, et, par là même, d’espérer lier la mesure de l’efficacité de l’enseignant aux résultats de ses élèves et de fonder ainsi un système de rémunération basé prioritairement non plus sur l’ancienneté mais sur le mérite.”

La fonction de l’enseignement s’en trouve dévalorisée. Déjà, c’est sous-entendre que l’enseignant a besoin de ces données “frustes”,  pour évaluer les élèves critique Alain Chaptal. Ensuite, c’est penser, à tort que la politique de la carotte et du bâton sera efficace :

“Le présupposé implicite de cette approche est, en effet, que les enseignants ne font pas le maximum et qu’une incitation financière les pousserait à le faire, une vision simpliste non seulement en contradiction absolue avec ce qui constitue partout la culture enseignante mais également avec la réalité qui est que, confrontés à des élèves difficiles en rupture, les enseignants ne savent, le plus souvent, tout simplement plus quoi faire pour arriver à les intéresser.”

Cette logique dénommée “Nouvelle Gestion Publique” ou “Nouveau Management Public” peut s’appliquer à d’autres services publics. Les managers aux manettes imposent de “se conformer à de nouvelles règles de gestion en assumant les principes du ‘business’ dans leurs relations aux usagers.” Dans ce contexte, on voit se développer une méfiance vis-à-vis des professeurs, “qui alimente l’objectif d’une éducation ‘Teacher Proof’, à l’épreuve des professeurs, imperméable au facteur humain.”

Barack Obama confirme la tendance

Si elle n’était que le fait d’une minorité, cela ne serait pas inquiétant, or c’est une tendance forte actuellement souligne Alain Chaptal. Et Barack Obama, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, va dans ce sens. Sous la houlette de son ministre de l’Éducation Arne Duncan, le fonds Race to the top a été mis en place pour financer des initiatives au niveau des États, “selon divers axes prioritaires parmi lesquels : développer des standards communs, développer un système de suivi des données longitudinales pour améliorer l’enseignement, différencier l’effectivité des principaux et des enseignants selon leur performance, améliorer l’affectation équitable des enseignants, ‘turning around struggling schools’… L’accent est mis sur la rapidité du « feed back » pour les tests (un délai de 72 heures maximum est souhaité), ce qui impose le recours à des technologies d’évaluation très automatisées donc fondées sur les TIC. S’y ajoutent des critères préalables pour que les États soient éligibles : qu’aucune législation ne limite l’ouverture de Charter Schools ni le fait de pouvoir utiliser les résultats des élèves pour évaluer enseignants et principaux.”

Une logique qui suscite des levées de boucliers dans les milieux de la recherche. Ces derniers dénoncent son manque de fondement, en contradiction avec la pseudo-scientificité avancée pour la justifier. L’association américaine de la recherche en éducation, l’AERA indiquait ainsi :

“AERA agrees that measurement of student achievement must be regarded as central to evaluation of efforts at school improvement. However, neither research evidence related to growth models nor best practice related to assessment supports the proposed requirement that assessment of teachers and principals be based centrally on student achievement.”

En France, des traces de cette pensée

Le terme “turning around”, emprunté directement au monde de l’entreprise, est une illustration emblématique de cette logique. Le turning around fait parti des quatre solutions proposées aux écoles en situation d’échec au regard des objectifs assignées. Dans ce qui s’apparente à une stratégie du choc appliquée à l’école, pour reprendre l’expression de Naomi Klein, on “licencie le principal et la moitié du corps enseignant pour mettre en place une nouvelle gouvernance et de nouveaux programmes”. Sans, là encore, que l’efficacité de la “méthode” soit prouvée.

C’est sur une tonalité inquiète qu’Alain Chaptal conclut ce panorama de ce glissement dans l’usage des TICE, qu’il qualifie de “préoccupante”. Faut-il craindre la même évolution en France ? Il énumère des traces d’une telle tentation anglo-saxonne, du rapport Camdessus, “le livre de chevet” de Nicolas Sarkozy, au rapport Attali pour la libération de la croissance. Il s’attarde plus sur un document de 2008, le rapport Maguain, resté inconnu du grand public, qui indique :

« b) Rémunérer en partie les enseignants en fonction de leur mérite » :

« Les mécanismes du type salaire au mérite fonctionnent lorsqu’ils s’accompagnent d’un certain nombre de garde-fous afin d’éviter leurs effets pervers (manipulation, collusion etc.). …/… L’exploitation des évaluations des élèves pourrait également servir à renseigner l’enseignant sur les acquis et les besoins de chaque élève afin de différentier sa pédagogie, d’ajuster les rythmes d’apprentissage et de mettre en place si nécessaire une aide davantage individualisée. »

Autre contribution dans ce sens, le rapport Le Mèner sur la revalorisation du métier d’enseignant. Dans la rubrique « Apprécier la performance de l’enseignant devant les élèves » :

« La revalorisation du métier d’enseignant implique de mieux reconnaître la performance pédagogique réelle de l’enseignant et de récompenser celle-ci. »

“S’agit-il de ballons d’essais destinés à préparer l’opinion, de véritables intentions, d’un manque d’imagination que pallie une forme sournoise de « copier-coller » ?” s’interroge Alain Chaptal. À la lecture de son mémoire, on espère que le ballon va exploser en plein décollage.

À lire “Les cahiers 24×32, la situation des TICE et quelques tendances internationales d’évolution”, Alain Chaptal, Paris 8, Labsic Université Paris 13

Image CC Flickr timlewisnm ; image de Une Marion Boucharlat pour OWNI /-)

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Le fichage des élèves s’inscrit au programme http://owni.fr/2010/09/02/le-fichage-des-eleves-sinscrit-au-programme/ http://owni.fr/2010/09/02/le-fichage-des-eleves-sinscrit-au-programme/#comments Thu, 02 Sep 2010 14:02:49 +0000 Jerome Thorel http://owni.fr/?p=26505 Le 6 août dernier, les accès à la plus large base de données sur l’enfance jamais créée au Royaume-Uni, “Contact Point”, ont été coupés. Il ne s’agit pas d’un piratage ou d’une mauvaise blague de hackers. C’est le nouveau gouvernement libéral, au pouvoir depuis la fin du mois de mai, qui a décidé d’euthanasier ce fichier, six ans après sa création.

Mettre fin à un fichier tentaculaire, en ces temps de frénésie orwellienne et de disette budgétaire, c’est l’exception qui confirme la règle. Car ailleurs en Europe, des tentatives similaires existent pour créer, au niveau local ou national, des « fichiers de la jeunesse ». Ces registres ne sont pas forcément liés à la scolarité, parfois ce sont les services d’aide à l’enfance qui forment le premier maillon du fichage étatique. Mais la tendance est clairement de s’immiscer au plus tôt dans la vie des enfants pour repérer ceux qui s’écarteront du « droit chemin »…

En France, l’exemple britannique fait des jaloux. Le CNRBE, un collectif d’enseignants, de citoyens et de parents opposés au fichier “Base élèves” (valable dans les écoles primaires), a gagné une bataille en juillet devant le Conseil d’État. Mais pas question que l’Éducation nationale débranche Base élèves… Le ministère devrait opérer de simples réajustements règlementaires pour répondre aux critiques du Conseil d’État.

En Grande-Bretagne, Contact Point est la première victime des promesses vertueuses du nouveau pouvoir. Dès son premier discours, le vice-Premier ministre Nick Clegg jurait d’en finir avec la « société de surveillance » si décriée dans la patrie de George Orwell. Contact Point, qui recense les dossiers individuels de 11 millions d’enfants (de leur naissance à 18 ans), n’a jamais vraiment convaincu ni les professionnels, ni les usagers.

Imaginé dès 2001 par le gouvernement de Tony Blair, sa ministre de l’Éducation, Margaret Hodge (devenue plus tard « ministre de l’Enfance »), lancera l’application en 2004. Appelé à l’origine « Universal Child Database », Contact Point a été maintes fois critiqué autant par les défenseurs de la vie privée que des services sociaux.

Si le gouvernement est parvenu à faire passer la pilule, c’est sans doute grâce à un fait-divers crapuleux. En 2000, une petite fille de 8 ans, Victoria Climbie, est retrouvée morte après avoir subi violences et actes de torture. Sa tante et son compagnon seront reconnus coupables en février 2003. Quelques jours avant le verdict, un rapport d’inspection concluait à d’énormes lacunes dans l’aide à l’enfance : la petite Victoria avait été vue et entendue par une foule de médecins et d’assistantes sociales sans que personne n’ait rien repéré. « L’affaire Victoria Climbie a clairement permis au gouvernement d’étouffer ces critiques », analyse Terri Dowty, directeur de l’association Action on Rights for Children (ARCH).

« Contact Point avait deux finalités : recenser les besoins éducatifs et médicaux de chaque enfant, et signaler les cas de maltraitance », précise-t-il . On y trouve des données d’état-civil, ceux des parents, et les contacts de l’enfant avec tous les services sociaux — santé, éducation, protection de l’enfance… N’importe quel praticien (du dentiste à la nounou) y était mentionné. Mais finalement, constate Dowty, la mission « protection de l’enfance » a été délaissée… « La faible proportion d’enfants réellement en danger (0,26% du total) étaient noyés dans un océan de données insignifiantes… C’était comme trouver une aiguille dans une botte de foin !» D’autant que depuis le lancement de Contact Point, « les services d’inspection ont rapporté une hausse des cas de négligence de la part des agents de la protection de l’enfance ».

Dans le même temps, les services sociaux ont dû essuyer de larges coupes dans leurs effectifs. « L’argent dépensé dans les bases de données s’est fait au détriment du personnel. Conséquence, il y a une pénurie de travailleurs sociaux qualifiés dans la protection de l’enfance. On estime qu’il nous manque des milliers de spécialistes et 40% des agents actuels disent être débordés par un trop-plein de dossiers à traiter. »

Contact Point a déjà son remplaçant

La fin programmée de Contact Point ne serait pourtant qu’une illusion. Terri Dowty explique qu’une autre application fait surface : « National eCAF » (National electronic Common Assessment Framework). Son rôle est à peu près identique à celui de Contact Point, la protection de l’enfance en moins : un dossier individuel sur chaque enfant pour gérer ses liens avec les services sociaux. Déjà effectif sous forme papier au niveau local, le projet est de numériser les procédures et de créer une seule base centrale. « Un système national n’est pas du tout justifiée. eCAF, pour nous, est la prochaine cible de nos préoccupations », testé depuis mars 2010. Soit juste avant l’arrivée de la nouvelle coalition, qui n’en a pas dit un mot depuis sa prise de fonction…

Dans une récente note, ARCH s’inquiète du caractère discriminatoire de ce fichier. « Le mot « approprié », conçu pour faire passer des opinions subjectives comme de simples observations, apparaît 21 fois. Ainsi un praticien devra dire si l’enfant a des « relations amicales appropriées », s’il a un « comportement appropriée », ou si ses parents ont une sensibilité ou un sens affectif « approprié »… »

En Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas, on est sur la même longueur d’ondes. En 2007, les Big Brother Awards autrichiens ont distingué la ministre de l’Éducation de l’époque, Claudia Forger (sociale-démocrate), à l’origine d’une base de données scolaires qui, comme la Base élèves en France à ses débuts, prend prétexte d’assurer un « suivi pédagogique » pour recenser des données plus sensibles comme les exclusions d’école, les préférences religieuses, les besoins de soutien scolaire Le tout alimenté par un identifiant unique analogue à notre « numéro de sécu ».

Aux Pays-Bas, on se rapproche de l’usine à gaz Contact Point, avec un « fichier électronique de l’enfant », qui mélange allègrement cas de maltraitance, données sociales, médicales (dont l’usage de drogues ou leur santé mentale…) et compétences professionnelles… Un fichier dont la gestion a été confiée à un grand « ministère de la Jeunesse et de la Famille » et qui est, lui aussi, d’envergure nationale.

Le fichage organisé au niveau des Länder en Allemagne

En Allemagne, les tentatives de créer un identifiant unique, au niveau fédéral, se sont pour l’instant heurtées à une opposition institutionnelle : l’éducation est la compétence exclusive des Länder. « Mais chaque Land, l’un après l’autre, est en train de créer son propre fichier des élèves centralisé », constate Susanne Heß, juriste et membre de l’association de défense des données personnelles FoeBud.

C’est la ville-État de Hambourg qui a ouvert le bal, en 2007. Sa ministre de l’Éducation, Alexandra Dinges-Dierig, est devenue célèbre pour la création du «Schülerzentralregister» (registre central des élèves). Le « suivi pédagogique » avait bon dos, car ce registre a été utilisé pour traquer une famille en situation irrégulière. « La recherche d’enfants sans papiers est l’une des finalités du [registre central], comme le parti démocrate chrétien (CDU) de Hambourg l’avait demandé » accusait la FoeBud en 2007 (lire une version française sur le site de la LDH de Toulon)

Dernière région à succomber : la Bavière. Une loi votée le 19 mai dernier oblige toutes les écoles à mettre leurs propres fichiers accessibles aux autorités régionales. L’idée d’un identifiant unique pour tout élève bavarois a pour l’instant capoté.

À Berlin (ville-État comme Hambourg), un tel fichier scolaire existe depuis 2009, mais les choses prennent une tournure plus policière. La ministre de la Justice du Land, Gisela von der Aue, exige que le registre scolaire puisse servir à détecter la fraude et prévenir la délinquance juvénile. Même si les forces de police n’ont pas (encore ?) d’accès direct au fichier… Dans le Brandebourg, un état de l’ex-RDA (proche de Berlin), en mai 2010 les autorités ont lancé un chantier similaire pour une mise en place à la rentrée 2012.

« Les arguments pour justifier ces fichiers sont toujours les mêmes : réduire les coûts et la paperasse, optimiser les ressources, tout en vérifiant l’assiduité scolaire », poursuit Susanne Heß. « Mais ces fichiers contiennent des infos sensibles comme leur origine ethnique, les langues pratiquées ou leurs préférences religieuses… »

Ces arguments sont exactement ceux déployés, depuis cinq ans, par le ministère français de l’Éducation pour “vendre” Base élèves aux citoyens. Les garde-fous sont trompeurs. Le CNRBE regrette, comme ici en avril dernier, de ne pas être assez soutenu par la CNIL, l’autorité de protection des données, qui n’a jamais daigné contredire le ministère sur la base élèves. Par exemple sur la question du consentement des parents : pour la Commission, “l’école est obligatoire, alors le fichier l’est aussi”. Sur ce point et bien d’autres, le Conseil d’État, dans son jugement de juillet, a donné raison aux opposants en rétablissant ce “droit d’opposition”. Une brèche dans laquelle le collectif n’a pas manqué de s’engouffrer en publiant le 31 août un modèle de lettre d’opposition que les parents d’élèves pourront remettre au directeur d’école le premier jour de la rentrée.

Merci à Susanne Heß pour son aide précieuse.

Pour compléter :

À propos du système « eCAF », une vidéo de l’ONG ARCH (en anglais)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Crédit images CNRBE (droits réservés) et CC Flickr Tim Morgan ; grande une Elsa Secco Creative Commons

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http://owni.fr/2010/09/02/le-fichage-des-eleves-sinscrit-au-programme/feed/ 45
UK: un premier débat politique… augmenté à fort impact http://owni.fr/2010/05/06/un-premier-debat-politique-augmente-a-fort-impact/ http://owni.fr/2010/05/06/un-premier-debat-politique-augmente-a-fort-impact/#comments Thu, 06 May 2010 12:38:39 +0000 anham http://owni.fr/?p=14575 Si la France ou les États-Unis par exemple sont habitués aux débats télévisuels entre principaux candidats à une élection présidentielle, il n’en allait pas de même au Royaume-Uni où jamais un tel événement n’avait encore eu lieu.

La campagne électorale de 2010 en vue du scrutin du 6 mai – qui comporte une série de trois débats télévisés entre les leaders des trois principaux partis britanniques – marque donc une innovation de taille dans le paysage politique outre-Manche. Cette innovation électorale s’accompagne sans surprise de ce que l’on peut attendre de mieux cinq à dix ans après le début de l’ère du web 2.0 et, en corollaire, de la netpolitique : le débat politique augmenté. Cette notion évoquée pour la première fois par votre serviteur dans ces colonnes il y a un an tout juste – et étendue à la TV plus généralement – renvoie à une forme de débat politique où les spectateurs s’impliquent en temps réel dans les débats télévisés à la faveur d’outils tels Twitter ou Facebook (outils dits de la statusphère, concept datant également d’avril 2009, que d’anniversaires en ce début de printemps !).

Ainsi, ITV (chaîne hertzienne ayant diffusé le premier débat télévisé entre Gordon Brown, David Cameron et Nick Clegg le 15 avril dernier) avait-elle mis en place une plateforme web permettant :
- de suivre en direct le débat ;
- de commenter le débat en interagissant avec les autres internautes sur le site ou, via une application Facebook, avec les membres de Facebook ou encore ses amis uniquement ;
- de disposer d’outils synthétiques et en temps réel d’analyse des réactions des internautes regardant le débat (via une solution assez classique de suivi des réactions d’un panel d’électeurs et via une solution plus récente – et moins éprouvée – d’analyse automatisée de la tonalité des tweets émis sur le sujet).

Par-delà les outils mis en place par la chaîne, le hashtag #LeadersDebate a été utilisé sur Twitter pour permettre le bon suivi des discussions éparses et très nombreuses (près de 30 tweets par seconde en moyenne et un total de 184.396 tweets publiés pendant le débat selon le site Tweetminster).

Sans pouvoir démêler l’impact de ce premier débat, pris dans son ensemble, de celui produit spécifiquement par sa dimension “augmentée”, il est intéressant de noter que les derniers sondages ou outils d’analyse de l’opinion (marchés prédictifs notamment) font passer le Parti libéral démocrate de la troisième à la deuxième place, devant le Parti travailliste au pouvoir, eu égard au nombre de sièges projetés pour chaque parti (le système électoral britannique reposant sur le principe du first past the post impliquant de regarder le détail des résultats dans chaque circonscription). Ainsi, bien que les conservateurs fassent encore la course en tête, avec une avance de plus en plus réduite, la perspective d’une majorité travailliste – libérale-démocrate (ces derniers étant traditionnellement vus comme plus à gauche que les travaillistes) est de plus en plus crédible…

Billet initialement publié sur Netpolitique sous le titre “Au Royaume-Uni, un premier débat politique… augmenté à fort impact”

Sur ce sujet, on se permet de vous recommander le site 10 Downing Tweets

Photo CC Flickr stuff_and_nonsense

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