OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Al Jazeera espionné par Amesys http://owni.fr/2011/12/14/al-jazeera-amesys-espionnage-spyfiles-libye/ http://owni.fr/2011/12/14/al-jazeera-amesys-espionnage-spyfiles-libye/#comments Wed, 14 Dec 2011 16:14:58 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=90650

En août dernier, le Wall Street Journal visitait un centre d’interception des télécommunications à Tripoli et confirmait, photo du logo d’Amesys à l’appui, que cette société française avait bien fourni à la Libye son système Eagle de surveillance massive de l’Internet. Parmi les personnes espionnées par les “grandes oreilles” pro-Kadhafi figurait Khaled Mehiri, un journaliste libyen de 38 ans qui avait eu le courage de rester en Libye, malgré le harcèlement judiciaire dont il faisait l’objet, comme le révèle aujourd’hui le WSJ.

Mehiri, originaire de Benghazi, avait profité de la libéralisation de l’accès à l’Internet en Libye, en 2004, pour publier ses articles sur différents sites d’information, y compris d’opposition. En 2007, il commençait à travailler pour celui d’Al Jazeera. Ses articles, critiquant le régime de Kadhafi, lui valurent plusieurs procès de la part de proches des services de renseignement, puis d’être condamné, en 2009, pour avoir travaillé avec un média étranger sans y avoir été autorisé. Il venait en effet d’accorder une interview à Al Jazeera où il accusait Abdallah Senoussi, l’un des deux principaux responsables des services de renseignement libyens, d’avoir été présent le jour où 1 200 prisonniers furent massacrés, en juin 1996, dans la prison d’Abu Salim, près de Tripoli.

Je voulais être un journaliste professionnel et libre dans mon pays. Pour cette raison, j’ai décidé de ne pas partir et de continuer mon travail, quelles que soient les circonstances, ou les menaces dont je pourrais faire l’objet.

Accentuant leurs pressions et harcèlements, les services de renseignement accusèrent Mehiri d’espionnage et d’atteintes à la sécurité nationale, ce qui lui valu quelques interrogatoires supplémentaires. Le 16 janvier 2011, deux jours seulement après la fuite du dictateur tunisien Ben Ali, et donc le début du “printemps arabe“, Mehiri était convoqué par Abdallah Senoussi, quelques jours après qu’un cousin de Kadhafi lui ait confirmé que le régime avait accès à ses e-mails : “il a même été jusqu’à préciser la couleur utilisée par mes éditeurs quand ils modifient des passages de mes articles“.

Pour se rendre à la convocation, Mehiri décide de porter un jean, des chaussures de tennis et une vieille veste, un signe d’irrespect dans la culture libyenne, mais destiné à faire comprendre à Senoussi qu’il n’avait pas peur de lui. Leur rencontre dura quatre heures, durant lesquelles le responsable des services de renseignement lui fit comprendre que la Libye avait effectivement besoin d’être réformée, mais qu’il serait préférable qu’il cesse de donner la parole à des opposants, d’autant qu’il pourrait être arrêté, à tout moment, par les autorités. En discutant avec lui, Mehiri s’aperçut qu’il savait tout de lui.

Terroriser un peuple

De fait, son dossier, auquel le WSJ a eu accès, montre qu’il était espionné depuis le mois d’août 2010, au moyen du logiciel Eagle d’Amesys. Les journalistes ont en effet trouvé des dizaines d’e-mails et conversations privées qu’il avait tenues sur Facebook, que les services de renseignement libyens avaient imprimé et qui portaient, en en-tête, “https://eagle/interceptions”. Avant même que ses articles ne soient commandés, ou qu’il ne commence à enquêter, les “grandes oreilles” libyennes connaissaient les sujets qu’il proposait aux rédactions avec lesquelles il travaillait.

La majeure partie des e-mails interceptés avaient été échangés avec d’autres journalistes, dont ceux d’Al Jazeera. On y découvre que Mehiri enquêtait sur des affaires de corruption, sur l’argent que la Libye était prête à rembourser aux victimes de l’IRA – que Kadhafi avait soutenu -, ou que son pays refusait de verser aux victimes du massacre de 1996… Dans un autre des e-mails, il discutait des menaces proférées à son encontre ainsi qu’à celui d’un autre journaliste libyen, auprès d’un chercheur d’Human Rights Watch :

Merci de ne pas révéler mon identité, ce qui pourrait me mettre en danger.

Le 25 février, alors que la Libye avait commencé à se libérer, un autre e-mail était intercepté. Envoyé par un professeur de droit libyenne à Mehiri ainsi qu’à des employés du département d’Etat américain, et des Nations Unies, il proposait à Google de couvrir en temps réel, sur Google Earth, le suivi des évènements en Libye, afin d’aider les rebelles à savoir où se trouvaient les soldats fidèles au régime, de sorte de pouvoir soit les éviter, soit aller les combattre, et donc d’”achever la libération” de la Libye.

Mehiri, lui, ne lisait plus ses e-mails. Ayant couvert les premières manifestation à Benghazi, le 15 février, il avait préféré entrer en clandestinité, afin de protéger sa femme et son jeune fils, persuadé que le régime chercherait à lui faire payer tout ce qu’il avait écrit. Et ce n’est qu’en septembre dernier, après la libération de Tripoli, que Mehiri a refait surface. De retour à Benghazi, il a recommencé, depuis, à écrire pour Al Jazeera.

Pour lui, la décision d’Amesys de vendre à la Libye un système d’espionnage de l’Internet, en dépit du caractère répressif du régime de Kadhafi, est “un acte de lâcheté et une violation flagrante des droits de l’homme“. Paraphrasant Mac Luhan, Mehiri a précisé au WSJ que le médium est le message, et que “la surveillance, en tant que telle, suffit à terroriser un peuple” :

Pour moi, ils sont donc directement impliqués dans les persécutions du régime criminel de Kadhafi.

Une nouvelle “touche” pour Amesys

Dans le contrat proposé à la Libye, Amesys avait fait figurer une mention stipulant que deux ingénieurs français seraient envoyés à Tripoli pour “aider le client de quelque manière que ce soit“. Sur le mur du centre d’interception des télécommunications que le Wall Street Journal avait pu visiter, une affiche mentionnait le n° de téléphone et l’adresse e-mail d’un employé d’Amesys, Renaud R., susceptible de répondre à toute question technique et qui, contacté depuis par le WSJ, a refusé de répondre à ses questions.

Le 31 août dernier, suite aux révélations du WSJ, Renaud R. écrivait, sous le pseudonyme Skorn qu’il utilise pour chatter avec ses amis, que “Khadafi est sans doute un des clients les plus exigeants et intransigeant de ce monde. Ce qui prouve que notre système marche(ait) plutot bien quand même !“.

Interrogé sur le fait que cela portait un coup, en terme d’image, à son entreprise, Skorn répondait laconiquement que “le grand public n’est jamais notre client“, tout en précisant :

par contre, ça nous a déjà généré une touche commerciale pour un pays qu’on ne connaissait pas ! ;-)


PS : lorsque nous avons publié la “liste verte” révélant les noms et pedigrees des figures historiques de l’opposition libyenne espionnées par le logiciel d’Amesys, son attachée de presse nous avait pressé de bien vouloir… anonymiser le fichier, de sorte de masquer le nom de celui de ses employés qui avait rédigé le mode d’emploi du système Eagle. La demande, émanant d’une entreprise qui a justifié le fait d’avoir aidé Kadhafi à espionner ses opposants au motif que c’était “légal“, ne manquait pas de sel. Nous n’en avons pas moins anonymisé le document, car il s’agissait d’un subalterne. Le nom de Renaud R. a, lui, été publié par le WSJ. Bien que chef de projet Eagle à Amesys, nous avons également préféré ne pas mentionner la véritable identité de cet ingénieur en sécurité informatique de 29 ans, non plus que l’adresse du forum de discussion de ses amis.

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Al Jazeera peut-elle s’implanter aux États-Unis? http://owni.fr/2011/03/23/al-jazeera-peut-elle-simplanter-aux-etats-unis/ http://owni.fr/2011/03/23/al-jazeera-peut-elle-simplanter-aux-etats-unis/#comments Wed, 23 Mar 2011 09:00:47 +0000 Théo Corbucci http://owni.fr/?p=52330 Le paysage médiatique américain s’affole : le président Barack Obama s’informe de l’avancée de la situation en Égypte tant, si ce n’est plus, grâce à Al Jazeera qu’à CNN et la Secrétaire d’État Hillary Clinton n’hésite pas à déclarer que “L’audience d’Al Jazeera est en hausse aux États-Unis parce qu’elle propose de la vraie information.” Si ces propos ne sont pas passés inaperçus et ont largement été commentés outre-Atlantique, il n’en reste pas moins qu’ils s’inscrivent dans une sorte de consensus médiatique national, comme le prouve cette liste d’articles recensés par la chaîne, tous plus élogieux les uns que les autres.

Volte-face

Mais il n’en a pas toujours été ainsi : durant l’intervention américaine en Irak, Paul Wolfowitz, alors secrétaire adjoint à la Défense, déclarait :

Les reportages mensongers et partiaux [d'Al Jazeera] ont pour effet de nourrir la violence contre nos troupes.

Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense allait même plus loin :

Ils tentent de manipuler l’opinion mondiale à leur avantage et à notre désavantage ; nous devons tout faire pour que la vérité se sache.

Richard Boucher, porte-parole du Département d’État, déclarait quant à lui lors d’une conférence de presse :

Nous avons exprimé nos réserves à propos de certaines choses que nous avons vues à l’antenne, de certains reportages incendiaires ou totalement mensongers.

Ce discours était d’ailleurs loin d’être le seul apanage de l’administration néo-conservatrice, mais se reflétait également au sein des médias. Le New York Daily News s’exclamait par exemple : “C’est l’une des armes les plus puissantes de l’arsenal de l’Axe islamique”. Même le sérieux New York Times y est allé de sa critique : Al Jazeera “confère insidieusement à ses actualités une teinte anti-israélienne et anti-américaine”, ajoutant que “ses reportages, profondément irresponsables renforcent les sentiments hostiles à l’Amérique dans la région.

Lobbying intensif et transparent

De son côté, la chaîne qatarie souhaite bien profiter de ce volte-face étasunien. Poursuivant sa stratégie de développement international, véritablement débutée en 2006 avec le lancement de sa version anglophone, Al Jazeera veut désormais passer à la vitesse supérieure. Après avoir mis en avant l’afflux de visiteurs américains venus suivre le direct de la chaîne en streaming, elle a lancé la campagne Demand Al Jazeera, qui vise à recueillir les requêtes des citoyens américaines et à les faire parvenir directement aux câblo-opérateurs.

Le 12 février, 33.000 mails auraient déjà été transférés aux entreprises concernées, dont 13.000 à Comcast, le plus important d’entre eux. Pour appuyer ce véritable lobbying, les internautes peuvent faire entendre leur voix par le biais de vidéos expliquant pourquoi ils désirent recevoir la chaîne. Si à ce jour Al Jazeera est toujours en pourparlers avec Time Warner, Cablevision et Comcast, elle continue d’innover et de se démarquer, comme le prouve la mise en place d’un Twitter dashboard, répercutant en temps réel les informations circulant sur le réseau de microblogging, ou encore l’annonce du lancement d’une nouvelle émission anglophone à paraître en mai, The Stream.

Si le concept reste encore assez flou, celle-ci compte également se servir des réseaux sociaux comme Facebook, YouTube, Twitter et Skype, dans une optique plus participative cette fois-ci, où les présentateurs animeraient assez simplement un débat entre internautes. Une autre initiative, peut être moins américano-centrée cette fois-ci, est le lancement de la version anglaise de sa chaîne pour enfant, Al Jazeera Children, prévu en 2012.

L’inversion des flux informationnels ?

Si l’on ne peut catégoriquement prédire l’issue de ce lobbying intensif, il semblerait pourtant qu’il soit en bonne voie pour réussir et que ce ne soit plus qu’une affaire de temps, si tant est que la chaîne puisse maintenir la pression sur les câblo-opérateurs américains, l’actualité aidant. Si cela venait à se confirmer, pourrait-on pour autant parler de chamboulement de l’ordre informationnel global ? En un sens oui : pour la première fois, une chaîne non-occidentale accéderait à la reconnaissance mondiale et proposerait un flux d’informations accessible par le plus grand nombre tant en direction de l’Europe, chose déjà mise en place, que de l’Amérique du Nord.

Mais il faut tout de même relativiser : la chaîne anglophone, bien qu’également financée par l’émir du Qatar, le cheik Hamad bin Khalifa Al Thani, ne traite pas l’actualité de la même manière que sa chaîne-mère et propose une couverture journalistique des évènements beaucoup plus proche de celle de ses confrères occidentaux.

Pour autant, les premiers signes de fissure dans l’hégémonie médiatique américaine n’en sont pas moins réels, comme le faisait remarquer Hillary Clinton en annonçant que les États-Unis étaient en train de perdre la bataille de l’information. Le broadcasting américain, véritable outil historique de soft power transnational, se voit aujourd’hui concurrencé sur son sol même, et cette perte d’hégémonie peut devenir, à terme, problématique voire dangereuse pour la superpuissance, qui perd peu à peu le monopole linguistique et le monopole de l’image sur l’information.

Les États-Unis ébranlés

Mais le succès d’Al Jazeera English aux États-Unis n’en est pas moins certain : la chaîne parviendra t-elle à garder l’attention du public lorsque les mouvements révolutionnaires dans le monde arabe s’essouffleront ? Pourra t-elle véritablement s’imposer comme chaîne d’information généraliste, même lorsqu’elle devra couvrir des évènements hors de sa zone géographie de prédilection ? Plus encore, réussira t-elle à trouver un juste milieu entre les demandes des téléspectateurs occidentaux et la promotion d’un certain agenda, ou préfèrera t-elle lisser son image, quitte à y perdre sa singularité ? Réussira t-elle à rester incontestablement la chaîne arabophone de référence face à la montée en puissance de certains concurrents déjà installés, ou en passe de le faire comme la future chaîne du prince saoudien Al Waleed ou la version arabophone de Sky News ?

L’ironie de l’histoire veut que les États-Unis se voient aujourd’hui ébranlés dans le domaine médiatique alors qu’ils comptaient user de celui-ci pour se créer une image plus reluisante dans le monde arabe, pour gagner “les cœurs et les esprits” pour reprendre la terminologie militaire (Hearts and Minds). L’exemple le plus probant de ce cuisant échec est celui de la chaîne publique arabophone Al Hurra, “la libre”, lancée en 2004 et transfusée à hauteur de 100 millions de dollars par an par le contribuable, et dont les effets sont pour le moins invisibles.

Il reste désormais à voir si cette implantation de la chaîne en territoire étasunien marquera le summum de la stratégie mondiale d’Al Jazeera, ou si elle ne sera que l’aboutissement d’une étape. Car après tout, Al Jazeera devrait toujours s’implanter dans les Balkans, et il s’est déjà murmuré qu’une version française pourrait bien apparaitre, avec pour objectif privilégié le Maghreb et l’Afrique francophone, voire, selon d’autres sources, une version espagnole, avec l’Amérique Latine en ligne de mire.

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Crédits photo : Flickr CC Abode of Chaos, Joi

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Al-Jazeera: La voix de l’émirat? http://owni.fr/2011/01/30/al-jazeera-la-voix-de-l%e2%80%99emirat/ http://owni.fr/2011/01/30/al-jazeera-la-voix-de-l%e2%80%99emirat/#comments Sun, 30 Jan 2011 17:03:44 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=44662 La chaîne qatarie vient d’être interdite en Egypte. Pourtant, depuis le début des manifestations, la plupart des médias internationaux utilisent les contenus d’Al-Jazeera pour couvrir le pays (lire Egypte, le mode dégradé de la révolution).

Or, Al-Jazeera est une chaîne financée en grande partie par un gouvernement, celui du Qatar. Dans l’un des télégrammes diplomatiques révélés par Wikileaks, un diplomate américain affirme que l’émir se réserve le droit d’utiliser la chaîne comme une monnaie d’échange dans ses négociations diplomatiques. Le Qatar aurait même négocié directement avec Hosni Moubarak, proposant d’interrompre ses émissions en Egypte pendant un an en échange d’un changement de sa politique palestinienne. Une offre à laquelle Moubarak n’aurait pas répondu (voir l’article du Guardian).

Ces affirmations ont été démenties par la chaîne, mais le doute subsiste. Comment une rédaction financée en majeure partie par un pouvoir politique peut-elle rester neutre ?

Un France24 qui a réussi

Il y a quelques siècles, les monarques se payaient des poètes de cour pour chanter leurs louanges et faire éclater leur gloire. Aujourd’hui, souverains et gouvernements préfèrent se payer des chaînes d’information en continu. De la Chine à la Russie en passant par l’Allemagne et le Royaume-Uni, chaque pays dispose d’un canal de communication à vocation mondiale. L’agence Chine-Nouvelle, Deutsche Welle, Press TV… tous affirment leur indépendance éditoriale.

France24 n’échappe pas à cette tendance.  Si la rédaction se veut indépendante, sa mission reste clairement de « véhiculer les valeurs françaises partout dans le monde ».

Al-Jazeera se fond dans cette tendance mondiale. La chaîne est née de la volonté personnelle d’un émir nouvellement installé au pouvoir, Hamad bin Khalifa Al Thani. Pour moderniser son pays et préparer l’après-pétrole, il crée une chaîne inspirée des standards occidentaux. La volonté de faire de l’info en continu vient plus tard, comme l’explique Hugh Miles dans son livre sur la chaîne.

Aujourd’hui, Al-Jazeera représente surtout l’entreprise de média gouvernementale la plus efficace depuis Radio Free Europe, financée par les Américains pour faire pression sur les soviétiques. Avec quelques dizaines de millions de dollars par an, l’émir du Qatar a réussi à se placer comme un élément incontournable de la diplomatie de la région. Coincé entre deux puissants voisins, l’Arabie Saoudite et l’Iran, ce développement du soft power qatari a coûté beaucoup moins cher qu’un seul Rafale, que les voisins émiratis voulaient acheter.

Au royaume des aveugles…

Ce mélange des genres politico-médiatique a-t-il un impact sur les contenus diffusés par la chaîne ? Comparé à la qualité générale des médias disponibles dans la région, on peut affirmer que le journalisme d’Al-Jazeera est, de loin, le meilleur.

MEMRI, une ONG conservatrice américaine, traduit en anglais certains extraits de télés de la région. La télévision égyptienne a ainsi diffusé, fin 2010, des reportages affirmant qu’Israël mettait des GPS sur les requins pour qu’ils attaquent les plages égyptiennes. Al Rahma, une chaîne égyptienne interdite en France, expliquait, elle, que les Etats-Unis allaient devenir une république islamique sous peu.

Fox News en 2009.

Du côté des médias internationaux, Al-Jazeera n’a pas plus de concurrence. En 2009, Fox News, la première chaîne d’info en continu américaine, a montré l’étendue de son ignorance en plaçant l’Egypte à la place de l’Irak sur une carte. Entre 2002 et 2006, le nombre de correspondants américains à l’étranger a diminué de 25%. Dans ces conditions, une chaîne spécialisée dans la couverture de conflits peu médiatisés possède un avantage indéniable. Al-Jazeera était la première chaîne à Kaboul, avant la chute des Talibans, et parmi les premiers à Bagdad et Khartoum.

Par ailleurs, on peut se demander si les contenus en langue arabe et ceux en anglais sont identiques. Les quelques études sur la question indiquent que les contenus d’Al-Jazeera sont à peu près équivalent entre ses deux versions et ses deux audiences. [UPDATE 04/02/2011] Malgré cette équivalence en ligne, la version anglaise offre un discours beaucoup plus poli sur les ondes, selon une lectrice d’OWNI arabophone habitant la région.

Al-Jazeera n’est donc pas plus inféodée à son gouvernement-mécène que ses homologues. Par contre, la chaîne fait preuve de plus d’ouverture d’esprit et présente des points de vue plus variés. C’est ce qu’a montré une étude de deux chercheurs américains: Plus on regarde Al-Jazeera, plus on est réceptif aux idées de son voisin.

Photo CC EthanZ

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Manifestation contre Moubarak à Paris http://owni.fr/2011/01/29/manifestation-contre-moubarak-a-paris/ http://owni.fr/2011/01/29/manifestation-contre-moubarak-a-paris/#comments Sat, 29 Jan 2011 19:08:41 +0000 Ophelia Noor et Romain Saillet http://owni.fr/?p=44568

Mourabarak, Dégage ! Moubarak, Décadence ! Moubarak, Dictateur !

Le ton est donné par les manifestants rassemblés aujourd’hui à Paris près de l’ambassade d’Egypte. Dans la foule, de nombreux Égyptiens, mais aussi des Tunisiens et Algériens, venus “défendre la cause de [leurs] frères égyptiens” et relayer l’appel à la démission du gouvernement Moubarak.

Ils font écho aux nombreux manifestants qui secouent l’Egypte depuis hier, réclamant parfois au péril de leur vie la fin du régime d’Hosni Moubarak, à la tête du pays depuis 30 ans.  A 23h30, Moubarak était intervenu sur Al Jazeera, annonçant la démission du gouvernement, effective ce matin. Aujourd’hui, la mobilisation du peuple égyptien ne faiblit pas: des milliers de personnes étaient encore dans les rues des grandes villes du pays, et massivement sur la place Tahrir, au Caire.

Sur la place d’Uruguay à Paris, le message est clair : renvoyer Moubarak pour mettre en place une démocratie en Égypte. En début de rassemblement, quelques personnes se réunissent sur la petite place. Un manifestant, réfugié en France depuis plusieurs années, se fait le porte-voix du groupe face aux caméras. Il dit n’avoir jamais eu la chance de voter, ni d’avoir eu le choix d’un parti politique et d’un projet pour son pays.

Il ne faut pas laisser quelqu’un nous voler notre révolution. Nous on ne veut pas être des imbéciles, ni jouer le jeu de l’Amérique. On attaquera les soldats s’ils sont alliés à Moubarak. Je n’ai jamais voté, je serai content de le faire. L’Egypte n’est pas une monarchie. Moubarak et son fils doivent partir.

Beaucoup souhaitent un changement radical allant au delà du simple changement de régime: le droit de vote, la liberté d’expression, les droits de l’Homme, l’égalité hommes-femmes…

Certains insistent sur le rôle d’Internet dans la mobilisation.  De nombreux Égyptiens, expulsés ou réfugiés en France, ont continué leur combat sur les réseaux sociaux dont Twitter, nous confie une manifestante. Dès qu’Internet a été coupé en Egypte, ainsi que les communications par SMS, de nombreux moyens alternatifs ont été mis en place pour  permettre aux contestataires du régime de communiquer et de s’organiser.

Quelques dizaines de minutes plus tard, la place d’Uruguay est couverte de manifestants sous le regard du Général Artigas, le libertador de l’Uruguay. C’est une révolte et une colère contenues depuis une génération qui éclatent aujourd’hui sur cette petite place isolée du 16ème arrondissement de Paris, à deux pas des Champs-Elysées. Des drapeaux, des affichettes en format A4, ou des cartons sur lesquels on peut lire en français ou en arabe : “Solidarité avec le peuple égyptien, Moubarak assassin”, “Moubarak c’est l’heure de ta retraite, dégage”, “Bravo les jeunes pharaons”, “Solidarité avec la lutte du peuple égyptien”. On trouve également quelques mots, ici où là, pour soutenir la cause palestinienne.
Les mégaphones résonnent, au centre de la place où la foule est maintenant très compacte et électrisée. On scande des slogans en arabe, les mains et les drapeaux s’agitent dans les airs, un homme pharaon monté sur un banc interpelle les manifestants: “Moubarak doit partir !”

Plus tard, des militants du Parti de Gauche et du Nouveau Parti Anticapitaliste arrivent sur place, apportant leur soutien à ces révolutions populaires contre les pouvoirs en place.

A la fin du rassemblement, Olivier Bensancenot déclare:

Olivier Besancenot (NPA)

C’est aussi notre responsabilité de soutenir ici en France ce processus révolutionnaire contre leur gouvernement, et d’en prendre de la graine pour ce qu’on pourrait faire ici.
Je ne sais pas ce que nous réserve l’avenir mais les révolutions sont contagieuses.

D’immenses drapeaux égyptiens sont agités par des manifestants, des drapeaux palestiniens, algériens et tunisiens déploient aussi leurs couleurs dans le froid glacé de Paris. Un groupe de jeunes Tunisiens se tient aux abords de la manifestation : pour eux, c’est un combat historique qui porte déjà ses fruits en Tunisie : “On peut enfin vivre, respirer, parler…”.
Cependant, leur gouvernement provisoire ne les convainc pas. Tous attendent avec anxieté la fin de ces six mois et croisent les doigts pour que les choses changent. Nous rencontrons aussi un jeune couple : elle est Algérienne, il est Égyptien. Eux aussi sont là “pour soutenir les frères, contre la dictature de Moubarak”.

L’espoir et l’attente sont grands, les Égyptiens tiennent à leur révolution qui ne doit pas leur échapper. Leurs regards sont tournés vers leur pays d’origine, mais aussi vers les autres peuples arabes :

Il y a beaucoup d’activistes aujourd’hui qui ont quitté l’Egypte, mais ils ne peuvent pas revenir, parce que revenir, ça veut dire se faire arrêter, et peut-être être tué ! Être opposant et vouloir rester dans le pays, c’est un courage extraordinaire ! Tous les peuples arabes attendent l’Egypte. Si on réussit à dégager notre dictateur, tous les chefs arabes vont partir. C’est le bon exemple pour les pays arabes.

Selon Indymedia Paris Ile-de-France, 90 personnes auraient été interpellées à l’issue de ce rassemblement.

Suivez en direct les évènements sur notre liveblogging : Après la Tunisie, l’Egypte s’embrase.


Son : Romain Saillet
Images : Ophelia Noor

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Soutenir les Creative Commons http://owni.fr/2009/12/05/soutenir-les-creative-commons/ http://owni.fr/2009/12/05/soutenir-les-creative-commons/#comments Sat, 05 Dec 2009 11:53:08 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=5949 L’actuelle campagne de soutien des Creative Commons (CC) bat son plein. Elle vise à récolter un demi-million de dollars avant le 31 décembre. Inutile de vous dire que nous vous encourageons vivement à participer, si vous pensez, comme nous, que ces licences font partie de ce qui est arrivé de mieux à l’Internet au cours de la présente décennie.

À cette occasion, il a été demandé à des personnalités utilisant les CC de témoigner en rédigeant une Commoner Letter. C’est la première de ces lettres que nous avons traduit ici, faisant directement écho à un billet de janvier dernier où nous évoquions l’inauguration par Al Jazeera d’un dépôt d’archives vidéos sous licence Creative Commons[1].

Rendez-vous l’an prochain pour la lettre de TF1 ?

Commoner Letter #1 : Mohamed Nanabhay de la chaîne Al Jazeera

Commoner Letter #1: Mohamed Nanabhay of Al Jazeera

7 octobre 2009 – Blog Creative Commons
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler et Yostral)

creaticze

Introduction de Allison Domicone (Creative Commons)

J’ai le plaisir de vous annoncer le lancement de notre série Commoner Letter annuelle, une série de lettres rédigées par des membres importants de la communauté des CC pour appuyer notre campagne de soutien pour les CC. Mais cette campagne ne vise pas qu’à lever des fonds, nous voulons que cela soit bien clair. Nous cherchons avant tout à faire connaître plus largement les CC et à militer pour le partage en ligne et la culture collaborative.

Je suis donc fier de vous annoncer la parution de la première Commoner Letter, de Mohamed Nanabhay, directeur du développement en ligne pour Al Jazeera English. Mohamed et Al Jazeera ont offert une visibilité à l’international aux CC grâce au travail incroyable qu’ils ont founi cette année. Comme vous le savez peut-être déjà, Al Jazeera a lancé plus tôt dans l’année un dépôt Creative Commons qui héberge des rushes vidéo que tout le monde peut partager, réutiliser et remixer. Avoir un tel allié chez Al Jazeera est un honneur et j’espère que vous apprécierez le témoignage personnel que nous livre Mohamed sur son attachement aux Creative Commons.

Lettre de Mohamed Nanabhay (Al Jazeera)

Cher Creative Commoner,

L’année a été riche pour Al Jazeera et sa relation avec les Creative Commons. En janvier nous avons inauguré le premier dépôt mondial de vidéos professionnelles placées sous licence Creative Commons 3.0 Attribution (CC BY). Nous avions alors libéré une sélection de séquences filmées par Al Jazeera, des rushes sur la guerre à Gaza, permettant ainsi à tout le monde de les télécharger, de les partager, de le re-mixer, de les sous-titrer et finalement de les rediffuser, que l’on soit un particulier ou une chaîne de télévision, à la seule condition que nous soyons crédités pour la vidéo.

Embrasser la culture libre, c’est avant tout accepter que l’on renonce au contrôle en échange de quelque chose de plus grand : son appropriation par la communauté créative. Vous ne savez donc jamais vraiment où tout cela va vous mener. À l’origine, quand nous avons inauguré notre dépôt, nous pensions mettre là à disposition des ressources pertinentes pour quelqu’un désirant produire du contenu sur la guerre et qu’elles seraient principalement utilisées par d’autres chaînes d’informations et des réalisateurs de documentaires.

Le résultat fut à la fois surprenant et enthousiasmant. À peine nos vidéos furent-elles en ligne que déjà des contributeurs de Wikipédia en extrayaient des images pour compléter les articles sur le guerre de Gaza. Et rapidement, enseignants, créateurs de films, développeurs de jeux vidéos, organisations humanitaires et producteurs de clips musicaux s’inspirèrent de nos images. Cet accueil chaleureux de la communauté de la culture libre nous conforta dans notre choix.

Joichi Ito, président de Creative Commons dit au lancement : « Les séquences d’informations filmées sont l’un des pilliers du journalisme moderne. Rendre ainsi disponibles sous licence Creative Commons ces images, pour des usages amateurs et commerciaux, est une contribution fantastique au dialogue mondial autour d’évènements importants. Al Jazeera montre l’exemple et sera, nous l’espérons, imitée par beaucoup d’autres. »

Lancer un projet ne suffit pourtant pas à générer une communauté, un engagement à long terme et des valeurs communes sont nécessaires. Notre association avec Creative Commons remonte à 2007, lorsque Lawrence Lessig, fondateur des Creative Commons, a donné son discours d’introduction lors du 3ème Al Jazeera Forum à Doha, au Qatar. Dans ce discours il nous mettait au défi de libérer nos contenus afin de renforcer la liberté d’expression. Ce défi, nous l’avons relevé, en plus de notre dépôt Creative Commons, nous rendons également disponible nombre de nos reportages sur notre chaîne dédiée sur Youtube.

Après le lancement de notre dépôt, nous avons co-animé un atelier avec Creative Commons ayant pour titre « Créer des projets médias dans des réseaux ouverts », dont l’animation était assurée par le directeur de Creative Commons, Joichi Ito. Cet atelier fut diffusé en direct dans tout le Moyen-Orient dans le cadre de notre 4ème Al Jazeera Forum, qui s’est tenu en mars 2009. Cet évènement mondial a rassemblé près de deux cents journalistes, analystes, universitaires et intellectuels.

Grâce aux licences Creative Commons nous touchons un public plus large, mais la portée de notre projet est mieux résumé par ce commentaire de Lawrence Lessig : « Al Jazeera nous donne une leçon importante de promotion et de défense de la liberté d’expression. En offrant une ressource libre et gratuite au monde, le réseau encourage l’extension du débat et sa plus grande compréhension. »

La collaboration avec Creative Commons a été très enrichissante. Nous sommes reconnaissants envers Lawrence Lessig, Joi Ito et toute l’équipe qui œuvrent à la diffusion de la liberté d’expression pour leur aide, leurs conseils et leur soutien.

La collaboration involontaire qui s’est développée après que nous ayons ouvert notre dépôt de vidéos, ainsi que le bon accueil que ce dernier a reçu dans le monde entier, n’auraient pas été possible sans l’aide des licences Creative Commons. Nous apportons notre soutien à leur campagne car nous avons été témoin, et nous le sommes toujours, des bienfaits de l’enrichissement et du renforcement des communs numériques. J’espère que vous aussi, selon vos possibilités, vous apporterez votre soutien aux CC en renforçant ainsi les biens communs. Je vous conseille vivement de vous lancer et d’utiliser vous aussi les licences Creative Commons.

Sincèrement,

Mohamed Nanabhay
Directeur du développement en ligne, Al Jazeera English

» Article initialement publié sur Framablog

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